Le « mitru » est probablement la première plante locale mangée par les premiers arrivants à Mayotte. Mais aujourd’hui, il représente une menace pour de nombreuses espèces sensibles à moins que l’agriculture ne vienne changer la donne. Cisco 642-436
L’igname de Mayotte est connue depuis toujours de la population locale mais pas de la science qui ne l’a décrite qu’en 2007. Il faut dire que l’étude de la flore de Mayotte a toujours été négligée au profit de celle de Madagascar ou même de La Réunion. De son petit nom latin « Dioscorea Mayottensis », le mitru (son appellation mahoraise) est une espèce endémique, lointaine cousine des espèces cultivées en Afrique.
Elle pousse dans les zones les plus sèches du département. Elle est même fréquemment braconnée sur l’îlot M’Bouzi, unique zone de Mayotte à être pourtant intégralement protégée. Cette igname est une plante grimpante dont les fleurs se développent le long de longues grappes. Comme pour le manioc (originaire d’Amérique du Sud), c’est sa racine, un long tubercule, qui se mange cuite. 642-436
Un fort impact sur le milieu naturel
Cette igname est consommée régulièrement et c’est bien ce qui pose problème. Car si le mitru se régénère très bien et continue à être bien réparti sur le territoire, son prélèvement dans le milieu naturel impacte fortement son environnement : il faut creuser de gros trous pour extraire le tubercule. Sans même parler de l’érosion que cela peut entraîner, ce sont les espèces qui cohabitent avec elle qui se retrouvent menacées particulièrement des variétés d’orchidées terrestres.
« Bien qu’il soit protégé par arrêté préfectoral, la consommation du mitru n’est pas interdite. Seul son commerce est prohibé, explique Guillaume Viscardi responsable de l’antenne mahoraise du Conservatoire botanique national de Mascarin. C’est une manière de le protéger tout en tenant compte de son usage traditionnel. Le challenge, aujourd’hui, serait d’en faire une espèce cultivée ».
Protéger les derniers reliquats de forêts sèches
« L’objectif serait de l’acclimater en plein champ en trouvant des techniques de cultures originales, poursuit Guillaume Viscardi. Car la particularité du mitru est que son tubercule pousse assez profondément, nettement plus que celui du manioc. Il serait particulièrement intéressant de tester des techniques pour limiter cette profondeur et ainsi faciliter sa mise en culture ». Ce travail, jamais réalisé jusqu’alors, s’apparenterait à ce qui a été fait, il y a des siècles, avec les pommes de terre ou les tomates dont les espèces sauvages ne ressemblent que très peu à celles que l’on mange aujourd’hui.
« Cette acclimatation agronomique permettrait de diminuer la pression de prélèvement sur les milieux naturels et permettrait de protéger non seulement d’autres espèces mais des écosystèmes entiers, en particulier les dernières reliques de forêts sèches qu’il affectionne » conclue Guillaume Viscardi.
Un travail de recherche scientifique au service de l’agriculture et de la préservation de la biodiversité : le défi semble passionnant mais on ne sait pas encore s’il sera relevé et encore moins par qui.
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