« La première fois que j’ai rencontré un sourd sur la barge, il n’osait pas utiliser la langue des signes parce que les gens se moquaient de lui » se rappelle Agnès Ramdé, la directrice de l’ADSM, l’Association des déficients sensoriels de Mayotte. « Traditionnellement, ici, on se moque des sourds alors que les déficients visuels sont, au contraire, considérés comme des enfants bénis par les familles » poursuit Agnès Ramdé. Lentement, pourtant, les mentalités évoluent, les esprits s’ouvrent à cette différence. Alors, pour accélérer les choses, l’association a souhaité organiser un événement ce week-end à l’occasion de la journée mondiale des sourds. Pour la première fois, les sourds et les muets se sont installés à proximité de la barge pour mener des actions de sensibilisation.
Leur premier message : les sourds ne sont pas muets. « La surdité n’empêche pas de parler, explique Julie Mingot, salariée à l’ADSM. Moi, par exemple, je suis née avec une surdité légère qui s’est aggravée au fil des années. Après plusieurs passages chez les docteurs qui soupçonnaient des tas d’autres choses, j’ai finalement été appareillée à l’âge de 6 ans. Le fait que j’entendais un peu puis le port des appareils ont facilité mon apprentissage du langage ».
Pour les sourds, un diagnostic précoce est donc essentiel et malheureusement, à Mayotte, ce travail est loin d’être encore optimal. Certes, les maternités ou les PMI peuvent soupçonner la surdité d’un bébé et ainsi l’orienter vers des prises en charge. Mais c’est encore trop souvent à l’école que l’on se rend compte de la surdité d’un enfant.
Tous les enfants doivent pouvoir s’intégrer
L’autre problème majeur est l’accès à un appareillage auditif. « Il n’y a pas d’audioprothésiste présent en permanence à Mayotte, constate Julie Mingot. Il vient de La Réunion pour réaliser les empreintes de l’oreille et revient, lors de sa mission suivante avec les appareils ». Mais tous les enfants diagnostiqués ne sont pas concernés. Seuls, ceux qui bénéficient de la sécurité sociale y ont accès. Pour les autres, même lorsque les familles sont prêtes à débourser les 700 euros nécessaires, il n’est plus possible d’acquérir les appareils. Ses enfants, souvent comoriens, sont alors obligés de rentrer dans leur île natale pour être pris en charge par le programme de coopération régionale. « Dans l’esprit de l’association, rappelle Agnès Ramdé, tous les enfants doivent pouvoir être appareillés à Mayotte pour qu’ils puissent s’intégrer dans la société ». Ce qui est loin d’être le cas.
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En attendant, l’association travaille à de nombreux projets. Après l’ouverture l’an dernier d’un établissement médico-social qui accompagne les jeunes sourds mais aussi les jeunes aveugles dans leur scolarité ou leurs loisirs, l’ADSM souhaiterait mettre en place des crèches mixtes pour accueillir, dans un même lieu, des enfants déficients sensoriels ou non. « Ces crèches seraient un très bon moyen de dépasser les a priori et d’apprendre aux plus petits à vivre ensemble qu’ils soient porteurs ou non de handicap. »
L’association a recensé plus de 200 personnes concernées par un handicap sensoriel, qu’il soit visuel ou auditif, à Mayotte. Mais nombreux sont probablement ceux qui ne se déclarent pas. Continuer à sensibiliser inlassablement au handicap permettrait donc aussi de disposer de chiffres plus réalistes.
RR