Vendredi, l’équipe de l’association Tama a distribué, à quelques détenus-auteurs de la maison d’arrêt de Majicavo, un livre d’évasion qu’ils ont eux-mêmes créé avec l’appui de l’association.
« Chaque heure du jour et de la nuit, la prison vit ; et passent les heures », c’est de Jean-Marc Rouillan et c’est l’incipit du livre conçu entre 2011 et 2013 par une quarantaine de détenus maison d’arrêt de Majicavo. Amorcer un livre de prisonniers, par une citation de Jean-Marc Rouillan (Jann-Marc Rouillan de son nom d’auteur) l’ancien leader d’Action Directe, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1994, ça témoigne d’un engagement. Alors « Itinéraires d’homme en peine », un pamphlet politique contre l’incarcération ? Non, mais le livre, édité à 1 500 exemplaires, propose un itinéraire touchant sur la vie en prison, entre regret, récit autobiographique et graphique, et un futur hors des murs.
Alternance de textes et d’éclaircies gouachées, l’ouvrage s’effeuille en chronologie. Avant, après et pendant l’incarcération. De déclarations d’amour en espoirs déçus, des sortes de calligrammes abécédaires, livrent de façon touchante les itinéraires prisonniers. Western Union pour W, Kwassa-kwassa pour K, Mer pour M, mais aussi Gendarme pour G qui mènent au P du Parloir.
Les ateliers de Tama dans la maison d’arrêt de Majicavo ont su extirper les talents créateurs de la quarantaine de ses hommes écorchés, en témoigne, « L’histoire de Samaguana », l’épilogue illustré reproduit dans le livre. Inspiré du kamishibaï japonnais, ce récit a été conçu autour d’un théâtre d’image, au recto d’une planche cartonnée, le dessin d’illustration destiné au public, au verso le texte du conteur.
Un regret, aucun texte, aucun dessin, aucune page de l’ouvrage n’est signé pas ses auteurs. Même pas un prénom. Ce sont des « détenus de Majicavo » qui ont participé à la réalisation du livre, entité unique. Point. La maison d’arrêt a exigé l’anonymat total. Un paradoxe lorsque l’on veut mettre en avant la créativité des prisonniers qui se sont investis dans chaque atelier.
Comme un symbole, les « partenaires » de l’association ont reçu le livre avant leur remise officielle à ses auteurs, les prisonniers.
A.L.
« Itinéraires d’hommes en peine » est disponible en libraire aux éditions Le scribe, 12 €