Un temple de la consommation nommé RUP

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La présentation que le député européen Patrice Tirolien a faite à la presse vendredi matin, et après 3 jours de visites intensives (voir article), n’était guère enthousiasmante. Beaucoup de demandes de dérogations, et des dossiers encore en évaluation alors qu’il va falloir utiliser ces fonds.

En basculant du statut de Pays et Territoire d’Outre mer (PTOM) à celui de région ultrapériphérique européenne (RUP) le 1er janvier 2014, Mayotte devra respecter la législation communautaire.

Des contacts réguliers entre Patrice Tirolien et Daniel Zaïdani
Des contacts réguliers entre Patrice Tirolien et Daniel Zaïdani

L’île n’en remplissant pas encore les conditions, loin s’en faut, la Commission européenne a proposé une série de dispositions législatives dérogatoires dont Paris a fourni la liste : « une vingtaine au total » explique le député Tirolien, « qui vont de la qualité de l’eau et la pêche, sujets sur lesquels je dois rendre deux rapports au Parlement, à l’assainissement, en passant même par les cages à poules ». Les décisions seront connues d’ici la fin de l’année.

Trop de dérogations ne nuisent-elles pas à la règle ? Ce sont les réunions de concertation, qui se tiendront d’ici le 1er janvier 2014 sur chaque dossier, qui montreront les premières limites, « mais le travail aurait du commencer bien avant ! » s’exclame le député qui répétera à plusieurs reprises que « l’intégralité des fonds doit rester à Mayotte ». Car il va falloir consommer : la part de crédits fixés pour une année donnée et non dépensée au cours des deux années suivantes est perdue. Ce « dégagement d’office » est un handicap pour le département qui peut se voir refuser un futur programme opérationnel.

Ses sœurs domiennes n’en sont d’ailleurs pas à l’abri, la Martinique affichait le taux limite de réalisation de 38% sur le FEDER (Cohésion économique et sociale) au trois quart de la période. Ce sera au Comité de Pilotage stratégique de lister et de s’assurer de l’évolution des dossiers.

Les fonds européens vont-ils creuser le fossé social ?

Mayotte doit donc profiter de la période transitoire vers les acquis communautaire qui lui est offerte. Les dossiers retenus aux programmes opérationnels sont en partie connus : la qualité de l’eau, l’assainissement des eaux usées et des eaux pluviales, le traitement des déchets, la Politique commune de la pêche. Les projets privés sont étudiés, « comme celui du port de Longoni ».

Mais ils sont également source de préoccupation pour les acteurs sociaux qui ont rencontré Patrice Tirolien : « cette manne d’argent va-t-elle retomber sur les Mahorais ? » interpellait Bruno Gallois-Parmentier. La réponse fuse « pour répondre aux appels d’offre, il faut vous former… OPCALIA est concerné au titre du Fonds Social Européen ». Mais pour les syndicalistes, c’est la cocotte minute sociale, « alimentée par les contraintes de la départementalisation sans en avoir les avantages » qu’il faut dépressuriser sans attendre.

Une formation a posteriori…

Et les handicaps de ce département, sans nul doute trop jeune pour basculer ainsi dans la cour des grands européens, ne sont pas soutenus par Paris : 2M€ avaient été débloqués début 2012 par Bruxelles pour la formation des élus à la gestion des fonds… qui végètent toujours à l’Agence de Services et de Paiement. « Nous allons commencer notre formation en cours de Rupéisation » glissait un Daniel Zaïdani, plus philosophe que vindicatif… pour avoir laissé l’Etat décisionnaire dans ce domaine…

… Surtout que, les fonds européens arrivant en complément de fonds nationaux, il faudra que l’Etat et le Conseil général mettent les premiers la main à la poche. L’idée est de superposer les calendriers et les lignes des Fonds Européens avec le Contrat de projet Etat-région, « où nous avions investi 400M€ sur la précédente période » assure le président du Conseil général. L’hypothèse haute, très haute, des 200M€ européens entièrement consommés, et abondés par l’apport national, porterait l’ensemble des investissement pour le territoire à 500M€ sur la période 2014-2020.

Une situation mahoraise qui inquiète ses illustres visiteurs qui se succèdent à son chevet, puisqu’après avoir accueilli il y a deux mois le commissaire européen en charge de l’Agriculture, Dacian Ciolos, l’île se prépare à recevoir dans une vingtaine de jours le commissaire européen chargé de la politique régionale, Johannes Hahn.

A.P-L.