L’histoire avait fait du bruit, il y a quelques semaines. Un infirmier du CHM (Centre hospitalier de Mayotte) était suspecté d’avoir détourné des produits stupéfiants prescrits à des patients pour sa consommation personnelle. L’affaire était jugée ce matin.
L’alerte avait été donnée par une infirmière. Elle avait relevé une «traçabilité frauduleuse» liée à l’administration de stupéfiants au CHM. C’est la circulation de produits à base de morphine qui laissait suspecter une disparition de certains de ces produits. Un nombre anormal d’ampoules était déclaré cassé. Des prescriptions anciennes étaient réutilisées pour sortir de la morphine de ses lieux de stockage… Autant de pratiques que le professionnalisme de l’infirmière ne pouvait passer sous silence.
La morphine et ses dérivés ne sont pas des médecines comme les autres. Utilisés généralement pour calmer la douleur des patients, ils sont considérés comme des produits stupéfiants et à ce titre leur stockage comme leur administration sont très strictement encadrés. Et les craintes de l’infirmière semblent fondées. Les anomalies se confirment lors d’une enquête interne menée par l’hôpital qui décide, à son tour, d’alerter la police.
Des investigations beaucoup plus larges sont alors diligentées pendant lesquelles un grand nombre de professionnels du CHM sont entendus. Bien vite, les soupçons se portent sur un infirmier, Guillaume Y.
Entendu à plusieurs reprises, l’homme nie d’abord les faits qui lui sont reprochés. Finalement, une fois placé en garde à vue, il finit par avouer avoir « pris des habitudes » en utilisant de la morphine deux à trois fois par semaine. En réalité, l’enquête démontre que les doses sont nettement plus importantes que celles qu’il reconnait avoir subtilisées.
« Se tranquilliser lui-même »
L’infirmier tente de se justifier. Il connaissait une situation personnelle difficile depuis le dépistage du cancer à l’estomac de son père dont il est très proche. « Il a succombé à la tentation de subtiliser de la morphine pour se tranquilliser lui-même » explique son avocate. Peut-être, comme la cocaïne qu’il avait consommée, plus jeune, en métropole. Peut-être aussi comme l’alcool : l’homme a déjà été condamné, en 2006, pour conduite en état d’ivresse.
Pour la procureure, pas de doute, il s’agit d’un cas d’abus de confiance. Les personnels de santé sont « peu nombreux à avoir la clé de l’armoire à stupéfiants utilisés de façon médicale. » Et l’homme a utilisé sa position pour détourner de leur usage ces produits sensibles.
Il a été reconnu coupable «d’abus de confiance» et «usage illicite de stupéfiants» et condamné à quatre mois de prison avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve de 18 mois. L’homme se voit également notifier une obligation de soins, même s’il semble ne pas avoir attendu pour débuter un travail sur lui-même. « Il a pris conscience de la gravité de la situation » avait plaidé son avocate.
L’infirmier, qui a démissionné du CHM au début de l’affaire, exerce actuellement en métropole. Le tribunal a décidé que cette condamnation ne soit pas portée à son casier judiciaire pour ne pas porter préjudice à la suite de sa carrière.