Délinquance : des mesures et des mots

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Le forum citoyen organisé hier soir par la mairie de Mamoudzou fera peut-être date. Constat posé sans détour, mesures chocs et paroles citoyennes se sont mêlés pour tenter, enfin, d’apporter des solutions efficaces aux problèmes de sécurité.

Forum citoyenD’emblée, le ton est donné. Ce soir, face à la centaine de personnes qui avaient répondu à l’appel du forum citoyen de la mairie de Mamoudzou, pas de langue de bois. Responsables associatifs ou religieux, chefs d’établissements scolaires ou simples citoyens, tous étaient venus écouter mais aussi interpeller les élus sur les questions de sécurité, autour de la vaste table du conseil municipal.
La majorité municipale égraine l’interminable liste des problèmes : « des vols et cambriolages dans la totalité des villages et des quartiers », « des problèmes de disputes entre bandes », « dans les rues, du racket, des sacs et des portefeuilles arrachés ». Et puis viennent les derniers faits divers marquant : 13 coups de couteaux reçus par un jeune à la sortie d’une boite de nuit, des jets de pierres à l’occasion d’un concert, un mort après une bagarre générale dans un autre, un enfant de 12 ans agressé et violé. La mairie annonce finalement que le jeune Raphael, tabassé par une bande à Tsoundzou au mois d’août vient de sortir du coma.

Enfin, une série de mesures pour réagir

« La mairie, seule n’a pas la solution, explique le maire. Les services de l’État, seuls, ne pourront rien. Mais, ensemble, on peut unir les forces pour que vive la paix. »
Dans ce sombre bilan, un point positif : la sécurisation relative des abords des établissements scolaires avec la création d’une brigade de 24 jeunes médiateurs déployés autour des collèges et des lycées. « La violence a plus ou moins quitté ces espaces. Maintenant, comment faire sortir cette violence des rues où elle s’est repliée ? »
La réponse de la mairie ne tarde pas avec une série impressionnante de mesures qui viennent s’ajouter à la demande de classement de Mamoudzou en zone de sécurité prioritaire (ZSP) et à l’embauche de 50 médiateurs qui interviendront la nuit.

Tout d’abord, la mairie va engager la démolition de squats : « une quinzaine a été identifiée et deux ou trois sont particulièrement sensibles. Nous allons tenter d’orienter le public qui les occupe vers des lieux de prises en charge. » La mairie promet également le rétablissement de l’éclairage public défectueux, « trop de rues sont dans le noir » ; l’organisation de rondes combinées entre les polices municipales et nationales ; la sécurisation des rivières. Mais deux mesures proposées vont faire particulièrement parler d’elles.

« Couvre-feu » et fermetures de débits de boissons

La mairie veut instaurer un « couvre-feu » dans Mamoudzou. L’expression est impropre mais elle vise à marquer les esprits. Les jeunes de moins de quinze ans, ne seront plus autorisés à se rendre dans certaines zones de la ville, la nuit de 22 heures à 6 heures, sans être accompagnés de personnes majeures.
La réglementation des lieux qui vendent de l’alcool (200 à Mamoudzou) va également être modifiée. Jusqu’à présent, Mayotte applique encore des normes particulières mais elles vont laisser la place à la législation nationale. « On va revoir complètement les licences attribuées, annonce le chef de la police municipale. La loi dit qu’une zone de 100 mètres doit être respectée entre le débit de boissons et les établissements scolaires ou les lieux de cultes. » Exemple spontanément cité, le « Bar Fly » en plein centre-ville qui est « à un mètre d’un cimetière ». A la question, cela signifie-t-il que vous allez fermer des débits de boissons, la réponse fuse immédiatement : « oui ! »

« Quand les associations réclament de l’aide, elles n’ont rien »

La salle peut alors prendre la parole et ne s’en prive pas : « Des jeunes de 9 à 14 ans élèvent des chiens pour attaquer. » A Mgombani, Kaweni, la convalescence… « ces chiens sont devenus des armes. Pourtant, ils ne sont pas vaccinés, il serait facile de les mettre dans une fourrière municipale. » Il n’en existe pas encore même si une demande a été envoyée à la préfecture par la mairie.
Et les témoignages s’enchaînent comme des suppliques face à une mairie jugée si distante: « Vous construisez des MJC, mais il n’y a que les murs. Équipez-les, donnez des activités à ces enfants ! » «Les bandes, ce sont des gamins issus de milieux très défavorisés. Le problème, il est dans le regard de l’autre. Comment nos enfants peuvent-ils se regarder sans sentir une terrible inégalité entre eux ? La pauvreté est la pire forme de violence. » « Monsieur le maire, les jeunes ont besoin de vous. Tant qu’il n’y aura pas d’éducateurs, ceux qui sont déscolarisés, c’est eux qui feront l’éducation des plus jeunes. »
Et puis un jeune homme d’une association de Kaweni se lève : «Si vous, les grands, vous nous encadriez, les jeunes, ils arrêteraient. On est tous là à errer. Même ceux qui ont des diplômes, ils ne font rien. Si vous pouviez nous aider, aider les associations… Nous, on aurait des solutions. » La salle applaudit.

« Je vous le promets »

Un dicton mahorais dit « l’enfant d’aujourd’hui est le problème d’aujourd’hui. » La mairie de Mamoudzou en mesure toute la valeur, même si l’État n’est pas non plus exempté de responsabilités, loin de là. « Toutes vos propositions vont être suivies d’effets, conclut un adjoint au maire. Je vous le promets. »

La salle est vide. La réunion terminée. Le journal de Mayotte interroge un élu : « Peut-on dire merci aux élections municipales qui s’annoncent ? » Il sourit : « Chaque chose est utile. Tout le monde est là pour une fois, la majorité comme nos opposants. Et ce sont eux, qui disent que nous faisons de la politique ! » Cette fois-ci, «tout le monde» a compris que l’heure de rendre des comptes approche.

Rémi Rozié