CARNETS DE JUSTICE. A l’appel de leur nom, les deux adolescentes avancent à la barre timidement, en traînant des pieds. Le président demande à leur mère puis leur père de les rejoindre. Ces deux familles ont lancé une procédure contre un jeune adulte âgé d’un peu plus de 18 ans pour « agression sexuelle imposée à un mineur ». L’homme n’est pas présent à l’audience.
Les faits remontent aux fêtes de fins d’année. Après le réveillon, Julie et Halda*décident de partir avec des amis pour passer la nuit sur l’îlot Mtsamboro, sans le dire à leurs parents. De retour sur Grande-Terre, Halda n’est pas tranquille, elle sait que chez elle, elle va se faire gronder. Alors, elle convainc sa copine de prolonger leur absence, pour passer une nuit supplémentaire dans le banga du demi-frère de Julie. Après une soirée à jouer, les jeunes filles s’endorment, mais la nuit ne va pas être aussi calme qu’elles l’imaginent alors.
Le demi-frère n’aime pas être réveillé
Il fait nuit noire lorsque le prévenu entre dans le banga. Il a entendu parler d’elles mais ne les connait pas. Il entreprend, dans le plus grand silence, d’avoir des relations sexuelles avec les adolescentes. Il découpe au ciseau la robe d’une des deux jeunes filles, baisse son pantalon et commence à pratiquer des attouchements. Celle-ci se réveille, le repousse et son refus suffit à détourner le jeune homme vers la copine qui dort encore. Cette fois, l’homme viole l’adolescente qui finit, à son tour, par repousser son agresseur. « Si vous n’êtes pas là pour ça, allez-vous faire… » L’agresseur repart, il est cinq heures du matin.
« Pourquoi n’avez-vous pas appelé à l’aide, il y a avait quatre autres personnes dans le banga ? demande le président. Vous auriez pu réveiller le demi-frère. » Timidement, les jeunes filles s’expliquent : « on avait peur ». Et puis, le demi-frère « n’aime pas être réveillé. »
« Elle n’est plus vierge depuis l’âge de 12 ans et demi »
Au réveil, les adolescentes vont, dans le village, retrouver leur violeur. Choquées, elles ne se souviennent plus très bien du déroulement de la scène et c’est le prévenu qui va la leur raconter en s’excusant, avant de les menacer si elles en parlent. C’est pourtant bien ce qu’elles décident de faire, malgré l’inquiétude de voir leur intimité déballée devant la famille. Si l’une des deux est vierge, la seconde ne l’est plus. La procureure interpelle les parents : « elle n’est plus vierge depuis l’âge de 12 ans et demi. Je voudrais que vous vous intéressiez à ce qui se passe pour votre fille ! »
L’agresseur dont l’examen psychologique fait ressortir un léger retard mental et des difficultés d’adaptations n’est pas jugé dangereux. Il écope d’une peine de six mois de prison avec sursis avec une mise à l’épreuve de deux ans. Il a également interdiction d’entrer en contact avec les adolescentes et même de « paraître au collège des victimes » où il s’est rendu plusieurs fois pour « embêter » les adolescentes. Il est également condamné à verser quelques centaines d’euros aux familles. Son nom est désormais porté au FIJAIS, le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.
*Les prénoms ont été changés