Souvent opposés, ces deux droits sont complémentaires en France… donc à Mayotte, où le débat aurait besoin d’être dédramatisé.
L’affaire Léonarda et la proposition, suspectée de visée électoraliste, de Jean-François Copé d’une loi prévoyant la fin de l’acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers, déchaînent des passions à la virulence bien française. Souvent énoncés comme opposés, droit du sol (nationalité française déterminée par le lieu de naissance) et droit du sang (par filiation) sont tous deux combinés en France.
Un enfant né de parents français acquiert la nationalité française dès sa naissance, quelque soit son lieu de naissance. Si un seul de ses parents est français, on lui attribue aussi la nationalité française par filiation. C’est l’application du droit du sang.
Une personne née sur le sol français de parents étrangers acquiert la nationalité française en vertu du droit du sol à sa naissance, si l’un des parents est lui-même né en France, ou à sa majorité, si elle y a résidé cinq ans. Il en est de même pour un mineur entre 16 et 18 ans, s’il réside en France depuis cinq ans. Les parents peuvent demander la nationalité française pour leur enfant dès qu’il a atteint l’âge de 13 ans.
Si le débat est passionné, c’est que les partisans de la suppression du droit du sol sont souvent apparentés à l’extrême droite dans une logique de protection contre une invasion migratoire suspectée de bien des maux. Elle-même motivée par une politique migratoire déficiente en France où l’on n’a pas su intégrer.
Ce débat s’exporte à Mayotte, souvent avec virulence, en raison de la transposition de ces passions métropolitaines, provoquant l’incompréhension des locaux. Le débat perd ainsi en clairvoyance, et les problèmes sont mélangés.
Deux droits étroitement imbriqués
En effet, la remise en question du droit du sol est souvent assimilée à un frein à l’immigration. Or, l’Allemagne est un contre-exemple, elle qui ne s’est ouverte que timidement en 2000 au droit du sol, et qui compte pourtant 7 millions d’étrangers, soit 10% de sa population. La preuve que la quête de la nationalité n’est pas le moteur essentiel de la migration. Effet pervers de la situation : avant 2000, certains vivaient depuis trente ans en Allemagne, sans pour autant en être des citoyens. Enfin, Angela Merkel appelait à «un afflux massif d’immigrés pour corriger les effets négatifs du déclin démographique».
Mayotte n’en est pas encore à un tel déclin, et la question mérite d’être posée sur une île où le taux de population « étrangère » en provenance des sœurs comoriennes avoisinerait les 40%. C’est sur la forme que le sénateur socialiste Thani Mohamed Soilhi s’exprime tout d’abord, pour regretter que le débat se fasse dans une ambiance de «surenchère». Et sur le fond, ce n’est pas un langage uniquement diplomatique qui lui fait dire que «le droit du sol est facteur d’intégration». Il porte immédiatement le débat sur le sol mahorais : «la question se pose réellement ici et j’y répondrai par une interrogation : pouvons-nous légalement le supprimer uniquement à Mayotte ? Le droit français peut-il accepter cette exception dans un domaine supra-législatif ?».
D’autre part, et les deux droits étant intimement liés en France, « quid d’un enfant né d’une personne étrangère en situation irrégulière et d’un français bénéficiant du droit du sang ? Ne va-t-on pas ouvrir la boite de Pandore et risquer de toucher au droit du sang ?». Enfin, les études ont prouvé que les motivations de l’immigration régionale priorisaient les domaines médicaux et scolaires.
Anne Perzo-Lafond