Sécurité : au-delà des a priori

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La gendarmerie poursuit l’installation de son opération «Voisins vigilants» sur la commune de Bouéni. Une nouvelle réunion d’information se tiendra ce soir pour informer la population du village. L’occasion de revenir sur les racines du «sentiment d’insécurité».

Pour la troisième fois, la gendarmerie installe une opération «Voisins vigilants». Après Tsimkoura et Mtsangamouji où les expériences n’ont guère été concluantes faute d’investissement de la population, c’est au tour de Bouéni de bénéficier du système. Cette fois, tout le monde veut y croire : l’expérience se met en place à la demande du maire et de nombreuses associations doivent relayer le message.

Voisins vigilants.
Deux quartiers de la commune sont concernés. Il s’agit de reproduire une pratique anglo-saxonne avec des référents et à l’entrée de la zone, un panneau avec un œil qui affiche l’opération «préventive et dissuasive».
Voisins vigilantsLa gendarmerie est claire : il s’agit d’observer et de détecter, pas de surveiller. «Quand vous faites la vaisselle, vous apercevez ou vous entendez quelque chose d’anormal, vous prévenez» explique le capitaine Milliasseau venu présenter l’opération aux habitants de Mzouazia vendredi dernier.
Pas question non plus de patrouiller : «la milice, ça n’apporte rien de bon et ce n’est pas la solution.»

Sur la commune, la délinquance est loin d’être galopante, mais les faits sont en augmentation : 38 agressions ont été enregistrées en 2012 et 96 vols ou cambriolages. La gendarmerie a élucidé 54 de ces 134 méfaits.
«Bien sûr il y a les faits, mais ce qui nous inquiète, c’est le sentiment d’insécurité que vous connaissez tous. Cette opération a aussi pur but de vous rassurer.»
Quelques habitants et des responsables d’associations avaient fait le déplacement, et ils n’ont pas hésité à livrer des éléments sur ce sentiment d’insécurité, qui est bien souvent un sentiment d’impuissance.

Je dois pouvoir me défendre.
«Mettez-vous à la place de quelqu’un. Quand une personne vous agresse, il faut avoir le sang-froid de ne rien faire. Ce n’est pas possible.»
La réponse du gendarme : la légitime défense. «Vous devez répondre à l’agression de façon proportionnée et concomitante. Vous pouvez vous défendre mais pas tabasser la personne qui vous agresse. Vous devez faire attention : vous n’êtes pas formés à intervenir. Ce peut être dangereux pour vous et vous risquez de vous retrouver face à la justice pour rendre compte de violence.»

Les immigrés sont responsables.
«Mayotte n’est qu’une petite pierre et on l’engorge avec toute une population venue d’ailleurs. Ces gens-là, c’est comme une maladie qui prend de l’ampleur.»
Le capitaine Milliasseau intervient : «Les chiffres de la justice sont très clairs. Il y a autant de Mahorais que de Comoriens dans les personnes interpellées et jugées. Croire que les problèmes viennent de l’extérieur, ce n’est pas les regarder en face pour les régler. Rétablir la sécurité est un travail de longue haleine. Il faut vivre ce projet pour avoir des résultats. Si on baisse les bras avant même d’avoir essayé, on ne fait plus rien.»

La gendarmerie ne répond pas.
«Vous dites, il faut alerter. Moi, quand les jeunes m’agressaient dans ma voiture, j’ai appelé et on m’a dit de passer le lendemain pour faire la déposition.»
«Nous ne sommes pas parfaits, concède le Capitaine Milliasseau. Depuis trois ans, nous avons changé nos façons de faire. Aujourd’hui, on a des personnels qui sont formés pour vous répondre et qui savent gérer vos appels. Nous aussi, nous nous adaptons.»

Je n’ai pas d’autorité sur mon fils.
«Quand mon fils fait des bêtises, je n’ai pas le droit de le corriger sinon je vais au tribunal. Comme les parents ne peuvent pas toucher leur propre enfant, ils peuvent encore moins s’occuper de ceux des autres.»
«Moi, quand mon enfant fait des bêtises, il reçoit une fessée, explique le gendarme. Mais il y a une différence, là encore, entre la fessée et la torture. Mettre une claque à son gamin parce qu’il ne se comporte pas bien, c’est une façon de lui rappeler qui est dépositaire de l’autorité. Lui mettre des coups de bâtons pour le punir, c’est répréhensible. Il faut des réponses qui sont adaptées à chaque situation. Pas disproportionnées.»

Les échanges se nouent et finalement, le capitaine Milliasseau en arrive à la conclusion que la population mahoraise doit revenir au mode de fonctionnement qui était le sien avant que l’individualisme de la société de consommation ne change les mœurs. «Avant, vous vous inquiétiez de vos voisins. Vous faisiez attention aux enfants. Il y a avait un esprit de communauté. Le but de l’opération ‘Voisins vigilants’, c’est de revenir au système d’avant. Les bonnes habitudes que vous aviez, il faut les reprendre.»
RR