Ils ont un terrain de jeu que n’a pas le commun des mortels : les deux sociétés du BTP sont en compétition sur deux sites d’exploitation de carrière. Avec, à l’origine, un problème de foncier.
La société Colas était en appel mardi après-midi pour contrer un jugement de première instance qui ne lui reconnaissait pas la propriété d’un terrain.
En 1959, Ahmed Ali, gouverneur des Comores, prend sa retraite à Mayotte et achète un terrain de 90 ha du côté de Mutsamudu, dans la commune de Bandrélé. Il donne pouvoir à son fils, Abdou Salam, ancien conseiller général de Pamandzi, pour vendre une parcelle de 2 ha à la société Colas en 1987. Elle l’exploite avant d’acquérir une nouvelle parcelle de même taille en 1990.
Mais entre-temps, Ahmed Ali est décédé, et la succession n’est pas réglée. «Le notaire n’a donc pu valider un acte de vente que la société Colas ne peut d’ailleurs produire» arguait depuis Paris par visioconférence Me Doucet, l’avocat du petit fils d’Ahmed Ali, qui n’est autre que Seffoudine Inzoudine, directeur de la compagnie aérienne Inter Iles Air. Le jugement avait lieu dans une petite salle d’audience de la Chambre d’appel de Mamoudzou.
Narayanin affûte ses outils
En 2007, l’indivision est réglée et Seffoudine Inzoudine réclame la propriété de la parcelle, toujours exploitée par Colas. La négociation n’aboutit pas, une indemnisation est demandée à l’issue d’un procès en première instance au jugement favorable à la famille Ahmed : «le chiffre d’affaires de Colas entre 1990 et 2007 est estimé à 48M€, soit une redevance totale comprise entre 3,5 et 6,5M€» déclare l’avocat qui se base sur une expertise de la société ACM.
En appel, Me Alexandra Bourgeot, elle aussi d’un cabinet du barreau de Paris, invoque l’usucapion, notion juridique faisant référence à la possibilité d’acquérir un bien immobilier par la possession prolongée dans le temps : «les propriétaires du terrain ont reconnu l’occupation par Colas puisque c’est la société qui a financé le partage des terrains pour régler l’indivision».
Un problème de foncier qui n’est pas sans rappeler les atermoiements du contentieux D’Achery-Narayanin (IBS) sur la carrière de Kangani où un problème de bornage est également à l’origine de multiples procès entre le bailleur et son locataire, IBS. La société de Guito exploite d’ailleurs toujours le site, bien qu’ayant été jugée expulsable. La société Colas s’était alors proposée comme repreneur du bail.
A Mutsamudu, c’est le contraire : «les négociations ayant échoué avec Colas, nous allons proposer à IBS d’exploiter une parcelle voisine» indique Seffoudine Inzoudine qui fait ainsi monter les enchères.
François Dior, président de la Chambre d’appel, annonçait un délibéré pour le 4 février 2014.
Anne Perzo-Lafond