Caporal Saindou : trans-boxeur

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Des poings et des pieds, Hirachidine Saindou a déjà remporté plusieurs titres dans différentes disciplines de combat. En décembre, il tentera de s’approprier la ceinture européenne de kick-boxing.

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Comme dans les belles histoires, la rencontre entre Hirachidine et la boxe était une évidence. Jusqu’à 15 ans, son sport, comme beaucoup d’ado un peu partout dans le monde, c’est le foot.  Les sports de combat ? « Je voulais faire du karaté avec ce que je voyais à la télé, Jackie Chan et tout ça ». À cette époque il rencontre Cyril, créateur du club Mayotte Boxing. En 1998, il enfile ses premiers gants en boxe française.   La discipline lui vaudra ses premières victoires avant qu’il n’adopte définitivement comme terrain de jeu, les cordages du ring plutôt que les filets du but. Pourtant très adroit la balle au pied, il fait son choix : pour lui l’esprit des sports de combat est plus séduisant, plus formateur que celui des sports collectifs. On s’assume, on se responsabilise.  « Quand on gagne au foot, tout se passe bien. Quand on perd par contre il faut trouver un coupable : tes coéquipiers, ton entraîneur, le terrain… Quand tu es mal dans un combat, tu t’en prends seulement à toi même parce que tu t’es mal préparé. » Aujourd’hui, dans ce sport individuel par excellence, Hirachidine est entouré d’une véritable équipe: préparateur physique, diététicien, coach mental et bien sûr son entraîneur.

T’es K.O. ?

Côté famille, la mère de Hirachidine n’a pas voulu encourager les velléités combattantes de son fils : interdiction lui est faite de participer au Murengué, le combat traditionnel mahorais. Protéger son fils ?  Pas vraiment, elle connaît son gaillard, c’est plutôt pour les autres qu’elle a peur. Encore ado, il profite de son absence pour se confronter à quelques challengers, alors qu’il vient tout juste de commencer la boxe en club. Il a 16 ans.  Deux combats, deux K.O. livrés en quelques secondes. Ses challengers du moment en ont encore les joues boursouflées. Il enchaîne, c’est ça sa botte. Spontanément, naturellement, instinctivement il tape où ça fait mal. Face à lui pas d’échappatoire sans technique, en trois temps. Droite, gauche, poing final dans le foi, l’adversaire est à terre. « J’ai le vice d’abréger les combats au plus vite. »

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C’est ce qu’a repéré Cyril, son premier entraîneur. La  première fois qu’il  enfile les gants, c’est pour la « savate », l’autre nom de la boxe française. Ce sport de combat mobilise les pieds et les poings et reste aujourd’hui gravé dans la mémoire collective grâce à la démonstration dont se fend le professeur Tournesol dans l’album de Tintin Vol 747 pour Sydney. Pas de pendule, ni de moustache, la boxe de Hirachidine marche à l’instinct. Avec de l’entrainement, il monte rapidement en niveau. En 2000 , après un peu moins deux ans de pratique de la savate, il combat au Gala international de l’océan Indien à La Réunion. « Je tombe contre le champion de La Réunion, le combat est très engagé, mais je finis par gagner », se rappelle sans fanfaronner le militaire de 30 ans. Les Réunionnais demandent rapidement la revanche. Elle s’organise trois mois plus tard au gymnase de Cavani. « Après ma victoire à La Réunion, le gymnase était blindé, il y a avait une ambiance de folie », décrit-il avec fierté.   Il tombe sur le champion élite de boxe française, du haut niveau, et gagne. Ce qui aurait pu être une bonne raclée lui met le pied à l’étrier ou plutôt la savate sur le ring.  » Je lui ai laissé deux côtes fêlées », symbole d’un combat gagné par une motivation hors-norme.

Le corps et l’esprit

« Frappe du gauche ! frappe des deux mains/Avance toujours ! avance !/Fais gaffe au contre ! serre bien les poings ! Avance toujours ! avance ! », chantait le boxeur baroudeur Bernard Lavilliers dans 15e round.

Hirachidine a vite avancé, un Bac L en poche, il s’installe dans le Sud-Ouest et décroche sa licence de Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). À l’époque, les débouchés dans la filière semblent se refermer. On lui parle de l’armée. Le jeune mahorais s’engage sous les drapeaux, il a déjà l’esprit du corps. « J’ai rapidement fait l’association de la boxe et de l’armée : le goût de l’effort et la rigueur», analyse celui qui se décrit d’un tempérament très calme.

Une double détermination qui lui permet de progresser constamment dans son sport. En 2008, il devient champion élite B de boxe française. Il est dans le circuit pro. « Quand tu es pro dans une discipline de la boxe, surtout avec les pieds et les poings comme la boxe française, tu passes directement au même niveau dans les autres disciplines », explique Hirachidine. Repasser en amateur pourrait faire mal aux challengers… La preuve : en 2009, Hirachidine devient champion d’Europe en Full-Contact, un an après son titre en savate ! Ceinture VXS autour de la taille en 2010, il a sa carte pour participer au Championnat du monde, excusez du peu. Le dada actuel du caporal Saindou, c’est le kick-boxing. Des talents transdisciplinaires pour le transboxeur qui lui ont valu déjà 5 titres de champion de France.

P1040037En décembre prochain à Bordeaux, il mènera le combat de sa carrière, en jeu : la ceinture mondiale de kick-boxing.
Pour une bonne préparation, rien ne vaut un retour au pays. Le M’tasperois d’origine vient de passer trois mois à Mayotte, profitant des permanences cumulables octroyées aux soldats domiens. Hirachidine est militaire. Le BSMA (bataillon de service militaire adapté) dispose d’une salle d’entrainement. Le sportif et la structure militaire se sont tout de suite entendus. Hirachidine a été accueilli bras ouvert pour s’entraîner « C’est un sacré exemple de motivation pour les jeunes »,  lance avec admiration le capitaine Pierre-Michel Paoletti, officier supérieur adjoint au BSMA et sincèrement passionné par le parcours du Mahorais basé au 35e régiment d’artillerie parachutiste à Tarbes.

Celui qui arbore avec fierté ses origines sur son équipement floqué « Mayotte » le fait pour lui, il n’a pas de sponsoring à Mayotte.  » Je veux que les gens voient qu’il y a un mahorais à haut niveau », prône-t-il avec fierté.  Il veut servir d’exemple, mais regrette une certaine régression dans la promotion du sport sur l’île. À la fin des années 1990, lorsqu’il chausse les gants, un ring mobile permettait une véritable promotion de ce sport.  La structure – en déliquescence sur un terrain du conseil général – a, depuis longtemps, arrêté de prêcher la bonne mandale.

Axel Lebruman