Un projet de décret est sorti pour encadrer les marges des compagnies pétrolières. Ces dernières ne comptent pas se laisser faire.
C’était un des engagements du candidat François Hollande : la réglementation des prix du carburant dans les territoires d’Outremer avait été demandée par les associations de consommateurs qui dénoncent, à Mayotte, une position monopolistique.
Actuellement, le prix est déjà réglementé et fixé chaque mois par le préfet en adéquation avec les directives parisiennes. Depuis les manifestations liées à la vie chère en 2011, ce prix a peu évolué, et a été gelé au début de l’année 2013. Mayotte n’est d’ailleurs pas la plus mal lotie avec une essence sans plomb à 1,54€ le litre et un gazole à 1,35€ contre respectivement 1,73€ et 1,55€ en Guyane au mois de septembre 2013.
Que va donc changer le décret ? Si le consommateur est déjà protégé, les mécanismes de formation des marges sont obscurs, entre l’importation des hydrocarbures et leur stockage par la Société SMSPP, les deux opérations étant effectuées par Total Mayotte. Gérard Ethève, ancien président du directoire d’Air Austral, n’avait d’ailleurs pas ménagé sa salive pour critiquer Total Mayotte, pour « son kérosène plus cher de 55% par rapport à La Réunion ».
Par ailleurs, en 2008, à La Réunion, une entente illicite avait vu quatre compagnies pétrolière, dont Total, être condamnées à payer une amende de plus de 40 millions d’euros pour avoir obligé Air France à acheter un carburant 30% plus cher.
Pas de marges, pas d’investissement
Le directeur de Total Mayotte, Laurent Gautron, ne veut pas se positionner « tant que l’arrêté d’application du décret n’en aura pas précisé les contours trop flous pour l’instant ». Mais l’encadrement des marges tel qu’il est envisagé n’a évidemment pas sa faveur : « l’investissement va s’en trouver pénalisé. On oublie que les prix sont fixés par les marchés internationaux ! ». Il faut dire que rapport de force ne date pas d’aujourd’hui : « avec le blocage des prix, décidé début 2013 par le gouvernement, nous avons dû cesser tout investissement… la rénovation des stations en a pâti ».
Le nouveau décret s’appliquera dès le 1er janvier 2014, après avoir été visé « pour avis » par les collectivités départementales, dans les 15 jours après réception. Le Conseil général de Mayotte n’a plus qu’une semaine pour se prononcer.
Aux Antilles et en Guyane, les gérants des stations-service s’étaient mobilisés en juin contre le décret à venir. Ce n’est pas le cas à Mayotte où il n’y a pas de gérant : « les 180 employés sont salariés de Total Mayotte ». Pas de pompes automatiques non plus, ce qui permet d’offrir, dans les 7 stations-service et les deux stations marines, une qualité de service et de garantir des emplois, « si une décision est prise dans ce domaine, elle le sera par le siège de Total ». Mais elle nécessiterait des investissements que l’enseigne n’est pas prête à fournir.
Anne Perzo-Lafond