On se demande, au départ, quelle mouche tropicale a bien piqué les Naturalistes pour avoir jeté leur dévolu sur M’Bouzi, confetti terrestre et maritime ! La mise en place de la réserve naturelle a apporté la réponse.
Depuis 2008 lorsque l’îlot M’Bouzi leur revient en gestion, l’association des Naturalistes de Mayotte met peu à peu en place une réserve. Mais la réputation de ce bout de terre au large de la «rocade» de Mtsapéré se dégrade : surpeuplée de makis, l’association Terre d’Asile qui en avait la charge a des ennuis judiciaires. Son tort : vouloir nourrir (300 kg par semaine) et soigner, sans certificat, les 800 makis qui se partageaient en 2012 difficilement 2 hectares, «induisant une maltraitance animale et une multiplication des rats profitant de l’abondance de nourriture» retrace Fabrice Bosca, conservateur.
Depuis, l’association est partie et la population de lémurien a été réduite de 75%. «On imagine que certains ont été évacués et relâchés sur Grande-Terre » et revenus à l’état sauvage, même si des cadavres ont également été retrouvés.
L’îlot étale ses 222 petits hectares, dont les deux tiers de partie maritime, face à Mamoudzou, «une sentinelle du lagon qui en fait un enjeu écologique et paysager avec des contraintes de déversement d’eaux usées et de déchets». Carcasses de voitures, pneus, canettes ont été filmés dans un reportage didactique par les Jeunes naturalistes de Mayotte, qui met en valeur l’espace de forêt sèche naturelle.
Un langage fleuri
L’îlot est une des 17 réserves naturelles des Outremers français, et la première à Mayotte. Mais pourquoi l’îlot M’Bouzi ? « Plus des trois quarts de sa surface sont constitués de mangrove et de forêt dont 22% sont encore en forêt primaire» explique Fabrice Bosca, «alors qu’il n’en reste que 5% à Mayotte». C’est d’ailleurs un des seuls endroits où cette forêt sèche à Ebène des Comores, menacée par les contraintes littorales, est protégée.
Mais ce n’est pas tout ! Huit espèces de fleurs y sont également protégées, «dont l’orchidée ‘vanille de Humblot’» et 14 espèces remarquables dont 4 redécouvertes, comme la grezia comorensis qui ne dira rien au commun des mortels, «c’est un peu comme si on annonçait le retour du dodo* !». On trouve aussi le baobab africain «qui n’est plus présent qu’à Mayotte».
La faune est sensiblement la même que sur le reste du territoire mahorais : le Souïmanga, la Moucherelle malgache, l’oiseau lunette ou le martin pêcheur. Tout ce petit monde était fortement menacé par les coupes de bois et l’écobuage qui déboise peu à peu Mayotte : «en régression sur M’Bouzi depuis notre présence».
En quarantaine sur l’îlot
Etonnamment, il existe un patrimoine culturel sur ce bout de terre : une léproserie a été mise à jour, «jusqu’à 130 lépreux ont ainsi été placé ici en quarantaine», dont on retrouve encore les murets, des terrasses, des fondations.
Enfin, le périmètre marin recense plus de 200 espèces de poissons, des récifs frangeants en surplomb «avec formation à corail noir», des tortues imbriquées mais aussi des vertes, des turciops, dugongs ou requins tigres, ainsi que 5 macro-mollusques et 300 espèces de macro-algues.
L’îlot M’Bouzi fait désormais l’objet d’un plan de gestion de 44 objectifs, validé en 2012. Pour les mettre en œuvre, un budget de 128.000 € est consacré, «nous cherchons un cofinancement pour compléter les charges de fonctionnement» indique le conservateur. Une dotation du ministère des Affaires culturelles a été allouée pour la restauration du patrimoine bâti.
La réserve naturelle impose des contraintes : y sont interdits la pêche, hormis à la main, les feux, la chasse, le camping, le ski nautique ou les scooters des mers. «Nous organisons 10 sorties annuelles encadrées qui bénéficient d’un parcours de découverte et les scolaires seront bientôt pris en charge».
Faute de pouvoir sauver l’ensemble du patrimoine mahorais en faune et flore, l’îlot M’Bouzi en sera peut-être dans quelques années, l’unique témoin.
Anne Perzo-Lafond
(*) Dronte de Maurice, oiseau de la région aujourd’hui disparu.