L’insuffisance de structures médico-sociales de l’île gangrène peu à peu l’ensemble du circuit médical. C’est pour évoquer ces difficultés que les professionnels de santé participaient à une conférence débat à l’occasion de la semaine nationale de la sécurité des patients.
Les difficultés particulières à Mayotte commencent dès la prise en charge du patient : «Notre mission s’arrête normalement aux soins. Lorsqu’il s’agit d’un jeune patient, la notion d’enfance en danger ne doit concerner que le juge des enfants. Mais comment assurer la continuité des soins une fois l’enfant sorti de l’hôpital sans être certain de la bonne passation des informations médicales ?» interrogeait Anne Rousselot Soulière, directrice qualité au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) lors de la conférence débat organisée ce lundi au CHM*.
Pour la continuité des soins comme pour le suivi médical des patients, à Mayotte, les solutions sont parfois difficiles à trouver : «Un enfant qui sort de l’hôpital sans complication devra attendre 4 à 5 mois pour être vu par un pédiatre ! Il y a cinq fois moins de médecins qu’à La Réunion» rappelait Anne-Marie de Montera, Chef de pôle Santé publique du CHM.
70% des enfants ne sont pas assurés sociaux
Car si l’enfant ne peut être pris en charge par sa famille, «on doit le garder lorsqu’il nécessite un suivi comme pour la bronchiolite» indiquait Anne-Marie de Montera, «surtout que 70% des enfants ne sont pas assurés sociaux à Mayotte !». Ils sont donc pris en charge par l’hôpital, «seul lieu où l’Etat compense financièrement». Et aussitôt sortis, aussitôt revenus. «Ces mêmes enfants en souffrance sociale reviennent aux urgences où les lits ne sont ainsi plus disponibles pour d’autres pathologies» indiquait Nicolas Rosely, cadre de Santé Pédiatrie.
Saindou, représentant les infirmiers libéraux, rajoutait que beaucoup de cabinets refusaient un suivi des soins « au regard des conditions d’hygiène dans les logements».
Quand le médecin se mue en assistante sociale
La délivrance des médicaments est également mise à mal : «Le CHM doit sécuriser son circuit de médicaments qui ne l’est pas au regard des critères de la Haute autorité de santé (HAS)» déclare Anne Rousselot Soulière. Pour la HAS, il y a même «risque potentiel», la délivrance de médicaments dans les dispensaires n’étant pas conforme en l’absence de pharmacien. «1000 ordonnances sont pourtant délivrées par jour au CHM» rajoutait Christophe Najem, Chef de Service Pharmacie.
Autre difficulté, la barrière linguistique : 35% des patients ne parleraient pas ou peu le français. Lorsqu’un médecin est accompagné d’un traducteur, «comment savoir s’il traduit ou s’il interprète ?» lançait Anne-Marie de Montera.
Si les professionnels de santé décidaient d’un travail en commun, «avec les moyens existants», le docteur Javaudin n’hésitait pas à dénoncer lui ces moyens insuffisants : «le médecin doit prendre des décisions sans appui. Un jour l’un d’entre nous se retrouvera à Majicavo** ! Marisol Tourraine nous a, de toute manière, indiqué que ce département n’en était pas tout à fait un, et que des mesures dérogatoires allaient être décidées ! ».
Anne Perzo-Lafond
* Le CHM accueillait ce lundi une conférence débat sur trois thématiques clés : «Bien utiliser les médicaments, préparer la sortie du patient et la confidentialité gage de confiance ».
** Maison d’arrêt de Mayotte