«Nous allons tout droit vers un empoisonnement massif du lagon.» Face au constat terrifiant établi par la réserve naturelle de Mbouzi, clubs de plongée et bénévoles ont répondu à l’appel pour une vaste opération de nettoyage des fonds sous-marins autour de l’îlot.
45 personnes s’affairent ce matin autour de l’îlot Mbouzi, la seule réserve nationale de Mayotte. Ils participent à une matinée de plongée qui n’a rien de touristique. Il s’agit de nettoyer les fonds marins autour de l’îlot lors d’une opération organisée par la réserve.
Cinq clubs de plongée* ont accepté de participer gracieusement en offrant les prestations à la trentaine de bénévoles qui se sont mobilisés aux cotés des membres du Parc naturel marin et des brigades vertes.
«C’est le 3e nettoyage sous-marin après ceux de 2010 et 2011, note Fabrice Bosca, le conservateur de la réserve. En 2010, lors de la première opération, on avait fait un repérage avec un expert sous-marin des zones les plus polluées. Cela nous avait permis de définir une bande d’une quinzaine de mètres, entre le tombant et huit mètres de profondeur, où on trouve le maximum de déchets.»
L’îlot est soumis à deux influences : à l’Est, les courants viennent du large via la Passe-en-S mais à l’Ouest, les courants arrivent du Nord charriant une incroyable masse de détritus en provenance de Mamoudzou. «90% des déchets viennent de Grande-Terre, 10% des pique-niques du week-end», relève Fabrice Bosca.
C’est donc la côte Ouest qui est l’objet du grand nettoyage. Ce matin, elle est divisée en cinq tronçons, chacun confié à un club de plongée partenaire de l’opération. Et le ramassage ne se fait pas n’importe comment. Car pour qu’il ait un intérêt scientifique permettant un suivi de l’accumulation des déchets, il se calle sur un protocole établi par l’ADEME**. Ainsi, les ramasseurs recensent tous les déchets pour les relier à une activité économique.
Un bilan stupéfiant
Ce matin, les spécialistes de la réserve ne savent pas ce qu’ils vont trouver dans les eaux. Mais au regard du bilan de l’opération de 2011, il y a de quoi s’inquiéter : 72 pneus, 22 bouteilles de gaz, plus de 12 mètres cubes de déchets plastiques ou métalliques avaient été dégagés. Les plongeurs avaient aussi trouvé quelques curiosités : des chauffe-eaux, des frigos, des déchets médicaux ou encore des batteries de moteur avec leurs acides et leurs lames de plomb.
«Les gros déchets ont évidemment un impact direct sur la vie aquatique, on pense souvent aux plastiques qui étouffent les tortues, explique Fabrice Bosca. Mais ce sont les pollutions invisibles, chimiques, qui constituent une véritable bombe à retardement écologique. Une canette par exemple, lorsqu’elle se dégrade, largue des métaux, de la peinture et des plastiques.»
Un empoisonnement massif du lagon
Les déchets se sont accumulés sur une période très courte à l’échelle de la vie du lagon, à peine une vingtaine d’années. Et ils commencent tous à se dégrader en même temps : «nous allons peut-être assister dans les années qui viennent à un empoisonnement massif du lagon.» Car il est tout simplement impossible de nettoyer l’ensemble de la bande littorale et encore plus les fonds. Thomas Roussel, le garde technicien de la réserve qui a organisé cette journée rappelle qu’à «l’échelle de l’îlot, il faut déjà une grosse semaine de travail pour tout prévoir. Et ça ne représente que 2 km de côtes ! »
«Pour moi, encore plus que le nettoyage, l’intérêt de l’opération, c’est la sensibilisation, relève-t-il. Quand on montre la quantité de déchets ramenés sur une seule opération, ça choque les gens et ça c’est utile. »
RR
* Les clubs de plongée partenaires : Rêve bleu, Maji Club, Nautilus, Hippocampe, Nyamba.
** ADEME : Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie