CARNETS DE JUSTICE. A Mayotte, on aurait pu parler de l’emprise d’un djinn. En métropole, de façon beaucoup plus terre-à-terre, il aurait été question d’achats compulsifs. Quand Ridhoini est sur internet, il ne peut pas s’empêcher d’acheter des choses, des tas de choses, même celles dont il n’a pas besoin. Et c’était d’autant plus facile, qu’il utilisait des cartes bancaires qui ne lui appartenaient pas.
Les premières commandes commencent en mars 2008. Ridhoini fait des achats en ligne mais avec la carte bancaire d’un autre, un petit artisan mahorais. Il devient rapidement un très bon client de Price Minister, entre autres. Il lui suffit de rentrer les coordonnées de la carte une seule fois, pour ensuite être reconnu automatiquement par les sites de ventes. Un clic suffit. L’achat est effectué !
Et Ridhoini a de la chance : le propriétaire de la carte ne se rend compte de rien ! L’escroquerie peut donc durer pendant plus de deux ans. Elle ne prend fin qu’en juin 2010 au moment où la carte est périmée.
85 achats en ligne et peut-être 200 autres
Les choses auraient pu en reste là mais Ridhoini est pris par les démons de la société de consommation. Alors, il va recommencer en utilisant une autre carte… la nouvelle carte de la même personne ! Mais cette fois-là, au bout d’un an tout de même, le comptable de l’artisan finit par repérer des achats douteux. Il met un terme à l’escroquerie en juin 2012 et permet à l’artisan de porter plainte.
Au total, Ridhoini a effectué pour 21.202 euros d’achats, sur les deux périodes, en 85 opérations bancaires. Ce qui nous fait tout de même une moyenne de 250 euros par opération.
S’il est poursuivi par une seule personne, Ridhoini semble pourtant avoir fait de l’escroquerie en ligne une spécialité. Il aurait également fait le coup à son oncle, qui un temps a soupçonné sa femme d’acheter en ligne sans l’en informer. Quand il découvre que c’est son neveu, il souhaite que l’affaire reste dans la famille, il ne porte pas plainte. Ridhoini aurait pourtant utilisé cette carte bancaire pas moins de… 200 fois !
« Vous n’aviez aucune chance »
Les enquêteurs n’ont pas eu beaucoup de mal à remonter vers lui, ce qui sidère le tribunal. «Je suis fasciné par cette escroquerie, avoue le Président. Parfois, le mode opératoire est plutôt futé. Mais en ce qui vous concerne, vous utilisez votre propre ordinateur et vous vous faites livrer chez vous ! Le but du jeu, c’est de ne pas se faire repérer. Là, vous n’aviez aucune chance de ne pas vous faire prendre.»
– Je suis devant mon ordinateur, ma conscience me dit, vas-y commande !
– Vous n’avez jamais eu conscience que vous pouviez vous faire attraper ?
– Non, jamais. C’est ça le souci…
– Oui, c’est un souci en effet pour vous.
La question des coordonnées bancaires
Le tribunal se pose une question : comment Ridhoini a-t-il fait pour récupérer les coordonnées bancaires de sa victime… deux fois ? Pour la première série d’achats, il affirme avoir trouvé la carte dans un aéroport de Madagascar. Avant de la rendre à son propriétaire, il photographie les deux faces. Il dispose ainsi du numéro, de la date d’expiration mais aussi de la clé à trois chiffres, toutes les informations nécessaires pour acheter en ligne. Le tribunal émet des doutes sur cette version, les dates ne correspondent pas.
Pour la deuxième série, le tribunal s’amuse de la chance providentielle qui semble accompagner Ridhoini. Il l’a trouvé à la barge. «Tous les escrocs de l’île trouvent des coordonnées bancaires à la barge, s’amuse le Président. C’est un lieu bien connu pour ça ! Moi, je ne dois pas avoir de chance, ça ne m’arrive jamais !»
En réalité, les enquêteurs soupçonnent Ridhoini d’avoir utilisé sa position de chef de station-service à Total pour récupérer ces informations. La société s’est d’ailleurs portée partie civile pour atteinte à son image commerciale. «Il y a beaucoup d’autres choses qui nuisent à l’image de Total», fera remarquer l’avocat de la défense.
Ridhoini est condamné à 3 ans de prison dont deux avec sursis et une mise à l’épreuve de cinq ans. Il devra également se plier à une obligation de soins pour résoudre les problèmes liés à sa possession par les démons de la consommation.
RR
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