CARNET DE JUSTICE. «Travail dissimulé par dissimulation de salarié». Le chef de poursuite est très courant à Mayotte où le travail non déclaré, souvent réalisé par des clandestins, est monnaie courante. A chaque fois, le tribunal est sévère rappelant que les cotisations sociales ne sont pas seulement des «charges» qui lestent les comptes des entreprises mais des contributions qui permettent de faire fonctionner notre système de santé et de solidarité. Ne pas les déclarer, c’est donc frauder la sécurité sociale et porter atteinte à notre bien-être collectif.
Ce genre d’affaires démarre par des visites impromptues de contrôleurs de la DIECCTE* accompagnés de gendarmes sur des chantiers de construction. Et dans le dossier sur lequel le tribunal avait à statuer ce mercredi, le chantier était assez particulier. Situé dans le village d’Hajangua, il s’agissait de la construction d’une piste pour des formations à la conduite de poids lourds, pour le compte de la société d’auto-école Nassibou.
Quand les contrôleurs arrivent, le 23 avril 2012, l’essentiel du chantier a déjà été réalisé par des entreprises locales. Mais le groupe d’auto-école n’est pas satisfait, il estime qu’il reste de nombreuses finitions dont il confie la réalisation à d’autres personnes. C’est à elles que les contrôleurs demandent des documents. Toutes sont en mesure de présenter des papiers d’identité en règle mais, en revanche, elles ne peuvent fournir de contrat de travail.
Pour deux personnes, il s’agissait d’un échange de bons procédés : contre la réalisation de cette fin de chantier, l’auto-école leur versait 50 euros par jour et leur permettait de passer leur permis. «Ils ont été recrutés pour faire des travaux de façon non déclarée» affirme le procureur. «L’échange en nature n’est pas prohibé par la loi, répond Me ABla, l’avocat de Joël Nassibou. Il est admis que l’on peut mettre à disposition un logement, un téléphone… Pourquoi pas le passage d’un permis de conduire ?»
Trois autres personnes, venues de La Réunion, étaient des amis de Joël Nassibou et assuraient donner un coup de main sur le chantier pendant leur séjour à Mayotte.
«On essaie de faire passer Monsieur Nassibou pour un délinquant à la sécurité sociale, s’emporte Me Abla. On essaie de dépeindre un personnage qu’il n’est absolument pas !» Et l’avocat de mettre en avant un contrôle de la sécurité sociale effectué l’an dernier dont il n’est ressorti aucune anomalie.
La situation a été régularisée depuis mais le tribunal a tout de même sanctionné : 5.000 euros d’amende et 5.000 autres avec sursis. Quelle que soit la nature et l’ampleur du travail au noir, à Mayotte, ce n’est décidément pas un sujet sur lequel la justice est encline à la clémence.
RR
*DIECCTE : Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi