CARNET DE JUSTICE. Elle voulait récupérer son mari. Elle se retrouve à la barre du tribunal. Fatima est poursuivie pour «violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours». Elle doit répondre d’un accès de colère bien connu des femmes mahoraises.
Très vite après son mariage, elle a su que «son homme» voyait une autre femme. La situation ne lui convenait pas du tout mais elle est devenue insupportable quand elle s’est mise à recevoir des coups de fil d’insultes de sa rivale. Ce soir-là, à 19h30, le mari a quitté son travail au CHM et lui annonce qu’il ne rentre pas. Elle sait où le trouver. Chez l’autre.
Elle décide de se rendre sur place bien décidé à le ramener à la maison. Mais arrivée devant cette deuxième maison, les choses tournent de façon imprévue. Ce n’est pas l’homme ou la deuxième femme qui sortent de la maison pour affronter la colère de Fatima mais la fille de la maîtresse. La gamine s’avance vers elle et lui pulvérise un produit au visage. Rien de grave,il ne s’agit pas d’un gaz lacrymogène mais simplement d’un médicament. Fatima est folle de rage. Alors que l’enfant est repartie, Fatima aperçoit un tas de pierres à proximité. Elle en prend quelques-unes et les jettent en direction de la maison, située en contre bas.
Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’une de ces pierres frappe l’enfant qui se retrouve légèrement blessée.
«Je ne pouvais pas voir», se justifie Fatima. «Ce n’était pas mon intention de faire du mal à quelqu’un. Je voulais juste le faire sortir.»
-Vous avez revu cette dame depuis ? demande le président Soubeyran.
-Non, jamais.
-Et votre mari ?
-Il n’est plus avec cette dame-là.
Pour le tribunal, le problème est que Fatima travaille dans une école, avec des enfants. Cet «excès de jalousie», comme le qualifie le procureur, elle doit en assumer la responsabilité. «Il faut essayer de faire en sorte de lui permettre de donner un autre exemple d’elle-même», énonce-t-il dans ses réquisitions.
«Elle assume» lui répond Me Kamardine, l’avocat de fatima, dans une plaidoirie assez étonnante. «La jalousie, ça peut aussi avoir un trait particulier à Mayotte lorsque les femmes sont concernées», explique-t-il. Et avec le recul, il se félicite de la fin de la polygamie imposée par le droit commun. «Il faut rendre aux femmes le bonheur qu’elles méritent, poursuit le batonnier. Parce que là, on est au cœur des sentiments et les femmes aussi ont des sentiments, quand même. Elle n’était pas venue chercher la bagarre. Comme on dit en shimaoré, on lui avait pris son mari.»
Le tribunal condamne Fatima à 70 heures de Travail d’intérêt général (TIG) à effectuer dans les 18 mois. Qu’on soit un homme ou une femme, les sentiments ne doivent pas conduire à la violence.
RR