Présente à Mayotte depuis 2007, Médecins du Monde repense complètement ses actions de terrain. L’ONG continue de se battre pour l’accès aux soins des plus démunis et particulièrement des enfants.
A Majicavo Koropa, les patients ne veulent pas y croire. Et pourtant, la consultation médico-sociale de Médecins du Monde ouverte en 2009 va fermer ses portes. Après cinq années passées dans le quartier, les habitudes vont devoir changer.
«L’objectif de Médecins du Monde n’est pas de remplacer le système de soins existant, explique Marie Ferré, la coordinatrice de l’antenne mahoraise de Médecins du Monde. Or, à Majicavo, on constate qu’on devient le dispensaire de référence. Chacun son rôle. Nous avions repéré des besoins particuliers à cet endroit, nous avons tenté d’y répondre.»
La décision n’a pas été facile à prendre, mais l’ONG n’a en effet pas vocation à installer des centres de santé qui viendraient compléter le maillage du territoire du CHM. Et de fait, son action est différente de celle de l’hôpital. Il s’agit d’abord de proposer une offre de soins exclusivement aux moins de 18 ans, un choix assumé pour permettre une action visible, compréhensible par la population et efficace.
Une façon aussi de s’appuyer sur une base de revendication solide : la déclaration des droits de l’enfant qui stipule que les mineurs doivent avoir un accès à des soins gratuits quelle que soit leur situation légale sur un territoire.
Cet aspect strictement médical de la consultation a permis de dégager un fait marquant : la malnutrition chronique de nombreux enfants, comme le souligne Brunelle Gasse, médecin généraliste à Médecins du Monde. «C’est quelque chose que je n’avais pas vu auparavant. Cette malnutrition est due à un régime alimentaire basé sur le riz et les mabawas et à l’absence de produits frais. Ca donne des enfants maigrelets, avec des retards de croissances assez importants.» Si on rajoute une mauvaise qualité de l’eau dans laquelle les parasites sont nombreux, les conséquences sur la santé des enfants sont importantes.
Aider les personnes dans leur affiliation à la Sécu
A Majicavo, le parcours des patients commence ainsi par un «tri médical». «On veut d’abord savoir où ça coince dans leur parcours de soins. Pourquoi ils se retrouvent chez nous», explique Marié Ferré. A l’issue de cette première étape, les patients sont orientés vers les urgences ou les dispensaires lorsqu’ils peuvent y être pris en charge où vers le médecin de l’ONG.
Mais le travail de la structure va au-delà des soins, en facilitant l’accès aux droits et en recueillant de nombreuses informations, précieuses pour connaître, de façon assez fine, les nombreux dysfonctionnements médico-sociaux à Mayotte.
A la consultation de Médecins du Monde, 80% des personnes qui se présentent ne sont pas affiliées à la sécurité sociale et ont été confrontés à des problèmes pour accéder à des soins. «Pourtant, un tiers d’entre elles, peuvent prétendre à la sécu, que ce soient des enfants français ou certains parents. Dans ce cas, notre mission consiste à les accompagner dans leur démarche, en particulier vers l’affiliation et parfois jusqu’en justice.»
En 2013, 1.275 patients ont été pris en charge à Majicavo, très loin du pic de 2010 avec 5.000 personnes soignées, un signe que le travail de la structure porte ses fruits. «On apprend aux gens à se débrouiller, à s’orienter tout seul», souligne Marie Ferré. Après cinq ans d’activité, la fermeture du centre répond donc à une logique d’autonomisation des personnes.
De nouveaux points de consultations
Pour autant, l’ONG ne se retire pas du département, bien au contraire. Médecins du Monde a repéré de nombreux endroits où sa présence pourrait changer beaucoup de choses pour la population. L’arrêt de l’activité à Majicavo prévue pendant les grandes vacances, va donc permettre l’ouverture d’une nouvelle consultation fixe dans un autre village. Plusieurs pistes sont étudiées sans que les choix ne soient définitivement arrêtés.
Quant à l’unité mobile de Médecins du Monde, elle va elle-aussi changer ses points de consultations. Après plusieurs années passées à tourner dans cinq villages, de nouvelles zones vont bénéficier de son passage. L’ONG compte ainsi sur les consultations prévues à Longoni, pour que certains patients de Majicavo, continuent de bénéficier de son action.
RR