A l’image des communautés de l’île, du noir et du blanc Louis Ansart fait jaillir des instantanés de vie, des moments précieux à conserver un peu comme un patrimoine.
C’est dans un appartement logé sur les hauteurs de Tsingoni que vit Louis Ansart. A la mahoraise, il faut se faufiler entre les poules et gravir un escalier extérieur au carrelage incertain pour y arriver. Cela fait 8 ans qu’un vent l’a porté jusqu’à Mayotte : «la mer, le soleil, la proximité de Madagascar que j’adore». C’est à La Réunion qu’il entend parler de Mayotte.
L’île l’attire et le maquettiste de profession y pose son sac et son appareil photo. La grande maquette qui siège au Comité départemental du Tourisme (CDTM), c’est lui, «la 6m par 2m de la mairie de Mamoudzou aussi». Ce sont les maquettes qui l’incitent à descendre sur Tsingoni, «il me fallait une pièce de 7 mètres de long».
Après avoir confectionné quelques meubles en bois, il fait une rencontre qui le marquera, celle de Pierrot Men, photographe de renom qui vit à Madagascar, «j’ai appris avec lui comment mettre en avant l’humain». Le noir et blanc, «c’est pour la simplicité, on va à l’essentiel. Les couleurs perturbent la vision. Du coup, on est concentré sur le moment décisif».
Prendre la pose
L’association du blanc, combinaison de l’ensemble des couleurs du spectre, et du noir, considéré comme l’absence de couleur, permet selon lui «d’utiliser les intensités lumineuses du gris dont les nuances sont infinies». Il ne travaille pas sur de l’argentique, mais avec du numérique, «je fais développer par un labo professionnel à Paris qui me renvoie les tirages sous 15 jours».
Si son métier l’aide à avoir «un compas dans l’œil», il avoue qu’il faut des années pour maîtriser cet art, et une patience infinie : «il faut être prêt avant que ça se passe… on rate une fois sur dix et une fois sur cent c’est excellent !» Il faut arriver à se trouver soi-même, «et je me suis trouvé depuis 2 ans»… Louis Ansart n’est pas homme à aimer être sur le devant de la scène, «je vends un peu au marché de Coconi tous les premiers samedis du mois, ça me va».
Ses photos ont trouvé leurs adeptes surtout parmi les mzungus (métropolitains) qui captent un instantanée de la vie locale et de ses spécificités, comme cette jeune femme, qui regarde partir la barge, derrière le grillage de la station piéton de Petite Terre… «un symbole de l’enfermement moral de certains habitants ici». Une île dont la construction dépend, pour lui, des habitants eux-mêmes, «quand ils auront compris qu’il ne faut pas se reposer sur le politique».
S’il part à la fin de l’année vers d’autres cieux du nord de la France, l’homme, de 34 ans, assure vouloir revenir, «certains Mahorais n’aiment pas être pris en photo, je reviendrai dans 20 ou 30 ans leur montrer les clichés que j’ai pris.»
Anne Perzo-Lafond