Mayotte ne compte qu’une seule structure d’accueil de jour des personnes âgées. Le travail et les projets ne manquent pas pour relever un des prochains défis de Mayotte: s’occuper de ses anciens en dehors du cadre familial.
Le club des séniors de Petite-Terre est en pleine préparation de son carnaval. Cette semaine, dans l’unique structure d’accueil de jour de personnes âgées de Mayotte, c’était atelier de création de masques. Alors qu’ailleurs, les rares associations à s’occuper des cocos et des bacocos (les grands-mères et grands-pères mahorais) assurent un suivi à domicile, à Pamandzi, les anciens se déplacent.
«On fonctionne vraiment comme une petite communauté», souligne Brigitte Brunet, la créatrice et responsable de la structure. Et visiblement, les anciens prennent beaucoup de plaisir à se retrouver.
Ils sont 24 femmes et 12 hommes à venir tous les matins, du lundi au vendredi. Un bus vient les chercher chez eux puis les ramène, les plus démunis bénéficiant d’un repas gratuit. Ils viennent participer à des ateliers très divers, essentiellement des activités manuelles. «On oublie tout le reste quand on travaille avec ses mains, note Brigitte Brunet. Et je peux vous dire qu’ils ne prennent jamais ces activités à la légère. C’est à celui qui fera le plus bel objet.» Leurs créations vont des objets peints les plus simples à de véritables pièces d’artisanat comme des pirogues miniatures en bois sculptées au couteau, ou des poupées mahoraises, comme il en existe dans toutes les régions de France.
La première structure à prendre en charge les aînés
L’association des cocos a été créée en juin 2008. L’idée de Brigitte Brunet était de mettre en place un accompagnement pour les personnes âgées comparable à ce qui existe en métropole. Traditionnellement, ce sont les familles qui se chargeaient de ce travail. Mais Mayotte a changé et ceux qui n’ont plus de famille ou dont les enfants n’ont plus le temps ou la volonté de s’en occuper, se retrouvent seuls.
Dans ce club senior, ils sortent de leur quotidien de solitude et ils ont la possibilité d’être au contact de nombreux enfants. Des opérations intergénérationnelles associent en effet des enfants malades ou en situation de handicap, à leurs ateliers. «Ils se donnent confiance mutuellement», affirme Brigitte Brunet, très satisfaite de ce pont entre les âges.
Six salariés travaillent dans l’association, dont Céline , la dernière personne recrutée qui prendra le relai au départ de Brigitte au mois de juillet. «Moi, je les adore, reconnaît Brigitte Brunet. Je dis toujours, c’est mes vieux à moi. Je suis à la fois leur mère, leur confidente, leur copine… un point d’appui finalement.» Et même si s’occuper des personnes âgées, c’est aussi être confronté à leur départ, elle préfère évoquer le plaisir de voir leur bien-être : «On est confronté à la mort, c’est vrai. Mais on a aussi tellement de personnes qui se sentent mieux en venant, qui reparlent, qui retrouvent des envies.»
Un véritable accompagnement au quotidien
Au-delà des animations, la structure prend en charge de nombreux éléments de leur vie. D’abord, leur suivi médical, avec des prises de rendez-vous ou la venue du kiné trois fois par semaine dans l’association où une salle a été spécialement équipée. Ensuite, leur dossier administratif, de la carte de séjour aux dossiers de sécurité sociale qui leur donne droit à des prises à charge de leurs traitements.
L’association gère également l’amélioration de leur habitation, de l’installation de sanitaire aux aménagements nécessaires liés à leur âge. Ces dernières actions, prises en charge par le Conseil général, nécessitent un vrai suivi pour s’assurer que les chantiers, parfois trop longs, finissent par aboutir. «Chaque personne est unique, avec des demandes et des besoins spécifiques et il faut être en mesure d’y répondre.»
Les anciens ne versent que 11 euros par an, une participation symbolique. Cette contribution n’est évidemment qu’une goutte d’eau dans les 100.000 euros de budget de l’association mais elle est très importante car apporter son billet représente une grande fierté pour les plus démunis. Conseil général, ministère des Outre-mer, Sécurité sociale de Mayotte, ARS, administrations de l’Etat… Les participations sont nombreuses car l’absence d’autres structures comparables fait de l’association une expérience essentielle à Mayotte.
La création du premier EHPAD* de Mayotte
Et ses projets sont nombreux. L’association va gérer les dossiers de curatelle et de tutelle sur Petite-Terre pour que les intérêts des anciens soient vraiment défendus face à des proches parfois sans scrupule. La structure souhaite également mettre en place un service de soins palliatifs, aussi bien pour des sorties d’hospitalisation ou des accompagnements de fin de vie, qui pourrait aboutir sur la création du premier EHPAD* de Mayotte d’ici à trois ans.
«Ici, on a été les pionniers, au tout début. Aujourd’hui, il est important que ce secteur d’activité s’organise vraiment», relève Brigitte Brunet.
Des liens ont été noués avec d’autres associations de Grande-Terre pour qu’elles viennent s’inspirer de l’expérience et qu’ensemble, elles montent un réseau de structures solides appelées à répondre à un besoin croissant sur le territoire. Car si la moitié de la population mahoraise a moins de 17 ans et demi, pour la première fois de son histoire, Mayotte va devoir apprendre à s’occuper de ses seniors, en dehors du cadre familial.
RR
*EPHAD : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes