Ils se sont fait beaux : c’est que les jeunes de l’association AJVK de Kawéni recevaient le préfet et la sous-préfète ce vendredi matin. Ils sont une solution contre la délinquance du quartier.
Pour cerner le tissu social de Mayotte, rien de mieux que d’en rencontrer les associations qui y œuvrent au quotidien. C’est ce qu’ont entrepris le préfet et la sous préfète déléguée à la Cohésion sociale et à la Jeunesse depuis quelques semaines. C’est à Caritas France-Secours Catholique qu’ils sont passés la semaine dernière, pour rencontrer les bénévoles et les jeunes du Centre de scolarisation Nyamba et la troupe de théâtre.
Une rencontre qui a permis de prendre conscience de l’action des jeunes adultes sans papiers, qui reproduisent ensuite dans leur village l’enseignement qu’ils reçoivent dans la journée. L’un d’entre eux a même monté une petite troupe de théâtre. Une action qui sera sans doute utilisée par la Cohésion sociale pour faire passer des messages à d’autres jeunes.
Ce vendredi, Jacques Witkowski et Sylvie Especier avaient droit à une table ronde, conviés par les jeunes de l’association AJVK (Association des Jeunes Volontaires de Kawéni). Montée il y a un an et demi sous l’impulsion de Tidji, et accompagnée par les volontaires civiques de Caritas France, dont Pierre-Yves, Bibi, Nadjim et Maïlys, elle s’est structurée au fil de ses actions : « nous proposons régulièrement du cinéma de rue » indique Scott, l’actuel président, « mais aussi des opérations de nettoyage du quartier, ou la coordination de l’entraide lorsque 4 cases ont brûlé il y a quelques semaines ».
Tama, l’assurance parentalité
Tidji, Scott ou Papou ont un discours posé, un phrasé parfois hésitant, mais tous sont déterminés vers un objectif : lutter contre la délinquance, et donner une autre image de leur quartier.
Répétant aux représentants de l’Etat que la délinquance n’était pas l’apanage de Kawéni, « mais plutôt de jeunes qui viennent d’ailleurs pour y chercher la bagarre. Ils ont le plus souvent des papiers. Quand ils se font attraper par la police, ils sont relâchés, on ne dit rien à leurs parents, alors que ceux qui n’ont pas de papiers se font expulser ! ».
Mais ils parlent surtout du problème de fond : les parents. Et de leurs inactions en amont : « dès qu’un enfant est envoyé à Tama ou à Majicavo, les parents se sentent déchargés de son éducation et ne s’en occupent plus ! »
Un phénomène qui pourrait ne pas être étranger aux évènements sociaux de 2011 : « des jeunes enfants de 7 ans ont des chombos à la main , jouent au plus forts, un peu comme pour imiter leurs parents qui allaient ‘gréver’ » explique Papou, « on en a marre qu’ils ne s’occupent pas de leurs enfants ». Des « petits frères » comme ils disent qu’ils tentent de prendre alors en charge, « nous voudrions les emmener pendant les vacances sur les terrains de sport. On peut en sauver quelques uns, c’est sûr ! ».
Des parrains en action
Les mini concerts qu’ils organisent sont fédérateurs, « les petits viennent avec leurs mamans qui nous disent « continuez ! ». Certaines actions se font d’ailleurs avec les parents. Se développe alors dans le quartier un concept novateur d’une association de jeunes qui retisserait les liens entre les adultes et leur progéniture, et, pour connaître parfaitement les jeunes enfants, jouerait l’interface avec la politique de la ville.
Tout n’est pas rose attention ! « Nous avons convié plusieurs fois des association d’adultes ou de bacoco (personnes âgées), et ils nous regardaient de manière plutôt méprisante » souligne Tidji.
En réponse, Sylvie Especier proposait de les accompagner financièrement sur une action menée de bout en bout, et répondant à deux exigences, « la lutte contre la délinquance et la reconstruction de la parentalité ».
Les jeunes le confieront plus tard, ils ont été très heureux de cette rencontre, que le préfet leur consacre du temps et agréablement surpris au regard de leurs attentes. A midi, dès les représentants de l’Etat partis, les cerveaux chauffaient sur une action structurée.
A suivre…
Anne Perzo-Lafond