Enfants des rues : mobilisation de la société civile

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Lampedusa : 3.300 morts depuis 2002 – Anjouan : environ 8.000 décès de 1995 à 2012 sur le chemin de Mayotte. Des enfants errants sur l’île, des délinquants en puissance. Village d’EVA tente des solutions.

Aurélie Arribat et Fernand Beyene
Aurélie Arribat et Fernand Beyene

La cause n’est pas seulement noble, elle est urgente : sauver tous ces enfants des rues de Mayotte. Estimés entre 3.000 et 6.000 par l’Observatoire des mineurs isolés, ils ne seraient «que» 550 à l’être totalement, «des chiffres ronds qui interpellent…»

C’est pourquoi une association s’est  créée le 1er janvier 2014, village d’EVA, comme Echelle Visuelle Analogique, «qui indique l’intensité de la douleur lors de soins médicaux». Le biais choisi par sa présidente Aurélie Arribat, son vice-président Ferdinand Beyene, son secrétaire général Salim Ahamada et ses adhérents est l’évaluation de la souffrance de ces enfants «qui, sans centre d’accueil ni structures de loisir, n’ont d’autres solutions qu’une délinquance de survie». Village d’EVA est soutenue par Citoyens des rues International de Thierry Ribot.

Les chiffres sont têtus : sur 35 cambriolages, 10 sont le fait de Français. Ce qui n’a pas réussi à empêcher autour de la table les tentatives d’une politisation de la situation qui a constamment fait faillir le Conseil général : «ne pas activer une politique sociale qui profiterait à des étrangers». Un argument qui n’est plus audible.

«Déposer plainte contre l’Etat Comorien»

"Il faut mettre en coopération régionale les sommes dépensées en reconduites à la frontière"
« Il faut mettre en coopération régionale les sommes dépensées en reconduites à la frontière »

Car on peut toujours tourner le problème dans tous les sens, le diagnostic retombe toujours sur quatre pattes : le Conseil général, «qui n’a déboursé que 2% pour l’Aide Sociale à l’Enfance contre 60% dans les autres départements», rappelle Aurélie Arribat, l’Etat Comorien «contre lequel il faudrait déposer plainte au Tribunal Pénal International pour non assistance à personne en danger», glisse Salim Ahamada, la parentalité fuyante «le modèle de société a évolué, seule l’école coranique nous structurait, il faut repartir de là» pour Abdou Soubra et le sous dimensionnement  du tissu associatif «10 sur 1.000 dans ce domaine, et assumé majoritairement par Tama».

Ce samedi après-midi avait réuni autour d’une table des ingénieurs, des médecins, des infirmières, des chefs d’entreprise, des cadres, des politiques pour essayer de résoudre le problème de ces jeunes, errants, délinquants en puissance.

Lors de cette assemblée générale, était débattu l’objectif de l’association : distribuer des paniers repas à des familles désignées par des assistantes sociales du CHM. La crainte d’un appel d’air, d’une fausse bonne idée incitait chacun à émettre d’autres propositions : «notre première mission doit être de remettre ces enfants dans leurs foyers, il faut donc se demander qui ils sont», suggérait Abdou Subra, chef d’entreprise, membre d’Oudaïla Haki za Mahore, et du Conseil économique et social.

«Une situation pas légale»

Abdou Subra : "C'est le catéchisme de l'école coranique qui nous a donné des valeurs"
Abdou Subra : « C’est le catéchisme de l’école coranique qui nous a donné des valeurs »

De l’avis de tous, la solution est connue, «elle est aux Comores avec la construction d’écoles et d’hôpitaux pour fixer les populations», rappelait Daniel-Martial Henry, conseiller municipal. Mais d’autres participants souhaitaient recentrer le débat sur le droit des enfants. La frustration se fait sentir.

Petite avancée, la constatation du métissage généralisé de l’île se généralise, «nous sommes peu à être Mahorais depuis deux générations. Les préfets nous reprochent toujours une supposée hypocrisie, d’accepter ces migrants puis de les rejeter. Mais lorsque le vice-rectorat demande un tuteur pour qu’un enfant soit scolarisé, il est impossible de refuser, de fermer les yeux sur la misère», tenait à témoigner Abdou Subra.

«Dominique Baudis avait conclu que l’Etat devait prendre le relai, ça en est où ?», interpellait un participant, «faisons une veille, la situation n’est pas légale. La question n’est plus de savoir si un acteur est défaillant, mais de s’occuper de ces enfants dont l’un, Mahorais, a jeté à l’eau l’ordinateur d’une chercheuse qui avait travaillé pendant 5 ans et qui en était à deux jours de sa conclusion», terminait Salim Ahamada qui a animé le débat.

On ne sait pas si c’est l’énergie du désespoir ou de l’espoir qui soufflait dans la salle, mais tous en ont assez d’une situation géopolitique coincée, «nous souhaitons que Mayotte soit apaisée».

Des idées ont été lancées, il est convenu d’une nouvelle réunion pour dégager des pistes fédérant l’ensemble des participants.

Anne Perzo-Lafond

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