Dans l’affaire des braqueurs de coffres forts de grosses sociétés de l’île, deux médias locaux avaient mis en cause le procureur d’alors, Philippe Faisandier, l’accusant d’avoir gêné la progression de l’enquête. Son motif aurait été de couvrir sa femme qui aurait protégé un « indic » du SDIG (ex Renseignements généraux). Ces accusations font suite aux tensions entre le procureur et le juge d’instruction Hakim Karki résultant de l’affaire Roukia et du présumé trafic de drogue du GIR. Philippe Faisandier nous fait parvenir une tribune libre dans laquelle il démonte les accusations et que nous diffusons dans son intégralité.
TRIBUNE LIBRE DE PHILIPPE FAISANDIER ANCIEN PROCUREUR A MAYOTTE
Deux organes de presse de Mayotte ont publié à la fin du mois de mars et au début du mois d’avril 2014 une série d’articles relatifs au procès dit “des braqueurs” qui s’est tenu il y a quelques semaines devant la cour d’assises de Mayotte.
La lecture de ces articles laisse croire au lecteur que j’aurais abusé de ma fonction de procureur, pour empêcher un juge d’instruction d’enquêter sur des fuites constatées avant l’interpellation des braqueurs, ceci afin de protéger ma femme qui aurait elle-même protégé un “indic” de la gendarmerie avec lequel elle serait, en compagnie de la femme du préfet, partie en vacances à Madagascar !
Je dénonce fermement ces allégations totalement fantaisistes et dénuées de la moindre vraisemblance, qui relèvent de la fable et non de l’information. Elles résultent d’extrapolations successives des auteurs de ces articles, parties du témoignage d’un homme se disant informateur de la gendarmerie, qui rapportait de soi-disant propos d’un tiers, évidemment introuvable, car, nous dit-on, en fuite aux Comores.
Je me suis toujours abstenu ces dernières années de répondre aux attaques nombreuses dont j’ai été la cible, attaques orchestrées par un tout petit nombre de personnes, unies entre elles par des liens étroits et connus à Mayotte. Par mon silence, je me refusais à alimenter la polémique sans fin recherchée par ces mêmes personnes et tentais de préserver autant que faire se pouvait, dans un contexte difficile, l’institution judiciaire à laquelle j’appartiens.
La publication de ces articles m’impose aujourd’hui de rompre le silence.
Des informations pourtant vérifiées, traduites par des pièces de procédure, lues par tous ceux qui ont eu accès au dossier des braqueurs, magistrats et avocats, débattues à l’audience de la cour d’assises où la presse était présente, ont été purement et simplement occultées dans ces articles.
Cette tribune a pour objet d’apporter au public les informations qui n’ont pas été portées à sa connaissance. Celui-ci pourra ainsi se forger une opinion en pleine connaissance de cause.
Les articles parus mettaient l’accent sur le fait que le juge qui instruisait l’affaire des braqueurs, n’avait pu obtenir de mes services ce que l’on appelle un réquisitoire supplétif qui lui aurait permis de diligenter une enquête sur des suspicions de fuites. Il était clairement insinué que j’aurais refusé ce supplétif pour qu’il n’y ait pas d’enquête, ceci dans le but de protéger mon épouse que ces journalistes suspectent de protéger un informateur de la gendarmerie, sans disposer de plus d’éléments de preuves que des ragots colportés par un tiers.
Or, il se trouve, dans les faits, que j’ai ordonné une enquête sur les fuites. Au mois de mai 2013, après avoir obtenu du juge d’instruction, le 4 janvier 2013, les pièces de procédure que je lui réclamais et qui fondaient les suspicions de fuites.
Pourquoi n’est-il nulle part écrit, dans aucun des articles parus, que j’ai ordonné l’ouverture de cette enquête ? Dans quel but taire cette information qui, loin de l’étouffement clamé, montre que le travail d’investigations a été fait, comme pour toutes les affaires qui nécessitent une enquête ? Pourtant, l’existence de l’enquête a été évoquée à la cour d’assises, en présence des auteurs de tous ces articles.
On se perd en conjectures sur les causes de cette amnésie collective.
Je m’interroge sur les raisons ayant conduit les auteurs des articles à ne pas soumettre à leurs lecteurs une information essentielle.
Je m’interroge sur les raisons qui les conduisent à lancer des accusations aussi graves, sans prendre la précaution, pourtant élémentaire pour un journaliste, de recueillir ne serait-ce que mon point de vue, avant d’offrir à leurs lecteurs des analyses définitives et péremptoires.
J’attends les conclusions de l’enquête avec une totale sérénité.
Mais c’est avec consternation que je constate la légèreté que certains s’autorisent, sur la base d’informations qu’ils savent fausses ou tronquées, à calomnier et salir des personnes et leur famille.