CARNET DE JUSTICE DU JDM. A 8h20, ce mercredi 30 avril, l’audience commence, un marathon d’affaires à juger.
C’est une «audience bargée», les personnes jugées ont fait l’objet d’une reconduite à la frontière en même temps qu’elles ont reçu leur convocation. Logiquement, la salle d’audience est totalement vide… à l’exception du journaliste du JDM.
Devant le président Lameyre, des piles de dossiers sont empilés, 89 exactement qui vont être traités à la chaîne. L’écrasante majorité concerne des pilotes de kwassas, qui ont fait la traversée Anjouan-Mayotte avec des passagers en situation irrégulière à leur bord.
Douze passagers, 14, 18, 36, 43… A chaque fois, pas la peine de préciser le récit. Ils ont tous été interceptés dans les eaux territoriales de Mayotte par les différents services de gendarmerie, la marine nationale ou parfois les douanes.
Certains dossiers se distinguent pourtant. Quelques kwassas de luxe, avec peu de passagers, généralement six ou sept, des personnes qui avaient les moyens de payer une traversée plus sécurisée sur une embarcation mieux équipée. Il y a également quelques «kwassas sortants», qui avaient probablement déjà déposés leurs passagers et qui repartaient vers les Comores avec une ou deux personnes à bord.
A l’énoncé des premiers dossiers, le président se fait pédagogue. Il explique que la justice traite de façon nouvelle l’ensemble de ces dossiers. Le tribunal de Mamoudzou a, depuis peu, fait jurisprudence. Tous les jugements se font par défaut, dans la mesure où les prévenus n’ont pas été à même de se présenter à l’audience. Ce qui signifie, qu’un appel de la décision n’est pas possible. La seule voie de recours pour les condamnés est de faire opposition à la décision, cassant la condamnation et ouvrant la voie à un nouveau procès en première instance.
La seconde nouveauté de ces jugements réside dans la peine qui est attribuée. Ici, pas de peine principale, comme de la prison avec sursis, mais l’application d’une peine secondaire qui consiste en une interdiction du territoire national (ITN) d’une durée différente en fonction du nombre de passagers transportés : 2 ans d’ITN lorsqu’il y a moins de 20 passagers, 3 ans d’ITN au-delà.
Les dossiers s’enchainent, comme un rituel, et puis une affaire sort du lot. Celle d’un homme qui a débarqué à Dzaoudzi après avoir pris le bateau qui assure la liaison Anjouan-Mayotte. Il avait fait la traversée avec un passeport, mais le document s’avère être contrefait et la police de l’air et des frontières (PAF) a repéré le faux. L’homme avait payé 400 euros pour obtenir le document.
Une autre façon de mettre le prix pour une traversée sécurisée. Il a depuis repris le même bateau, dans l’autre sens.
RR
Le Journal de Mayotte