De la prison ferme pour les évadés de Majicavo

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L'accusé risquait jusqu'à 20 ans de prison

CARNET DE JUSTICE DU JDM. Trop facile de prendre la poudre d’escampette de la prison de Majicavo. Pas besoin de se tatouer les plans sur tout le corps ou d’imaginer l’intervention d’un hélicoptère. Il suffit de passer par-dessus le mur. La «faiblesse» était bien connue, certains individus en avaient d’ailleurs déjà profité en juin 2012. Alors, ce 30 décembre 2012, El Anrif et Maanrouf se lancent dans leur grande évasion.

Salle d'audience code pénalC’est un rituel au sein de la maison d’arrêt : le nettoyage des frigos des cellules se fait dans la cour. Ce jour-là, profitant d’un moment d’inattention des gardiens, les deux hommes transforment en escabeau, le frigo posé contre le mur d’enceinte, se faufilent tant bien que mal entre les fils de fer barbelés et se font la belle.
Tous les deux purgeaient une peine de trois ans ferme pour vols avec violence et ne se connaissaient pas plus que ça.

Une cavale de courte durée

Ils étaient jugés ce mercredi matin car leur cavale n’a pas duré autant qu’ils l’auraient souhaité. Tous les deux se sont fait prendre à bord d’un kwassa, interceptés par la gendarmerie comme de simples clandestins. Maanrouf revenait à Mayotte après un court séjour à Anjouan. Sur une autre embarcation, El Anrif quittait, lui, notre département. Les deux hommes ont été trahis par leurs empreintes digitales.
Apparemment, les fugitifs n’avaient pas vraiment prémédité leur escapade. L’occasion fait le larron, pourrait-on dire. «On ne l’a pas fait exprès, se justifie Maanrouf. Ma femme était enceinte, elle venait d’accoucher par césarienne. Elle n’avait pas les moyens de se payer des soins.»

Mais pour El Anrif, les explications vont être plus longues. Il est incarcéré à La Réunion, à sa demande, car il ne supportait pas de savoir sa famille trop près de lui alors qu’il était incarcéré. Ses proches sont repartis à Anjouan, tandis que lui, purge sa détention provisoire du côté de Saint-Denis. C’est donc par le biais d’un système de vidéo-conférence qu’il va répondre aux questions du tribunal. Le son est médiocre et les échanges sont encore compliqués par la présence d’un traducteur en langue mahoraise.

Quatre vols avec effraction ou escalade à justifier

Lui aussi justifie sa fuite par l’envie de voir sa femme. Son avocate prend bien soin de lui faire préciser qu’il était en caleçon au moment de l’évasion, histoire de démontrer la non-préméditation du geste, sinon «il aurait mis un pantalon et ne se serait pas blessé aux barbelés».

Mais El Anrif doit aussi s’expliquer sur beaucoup d’autres choses. Car ce mercredi matin, il est aussi jugé pour quatre affaires de vols. Les trois premiers ont été commis avant son évasion. Le dernier une quinzaine de jours après le début de sa cavale. Au milieu de la nuit, il entre dans une maison de Mamoudzou et avec ses complices il vide intégralement le salon : matériel multimédia, papiers, moyens de paiement… «C’était pour manger» et pour payer le trajet en kwassa, précise-t-il, le matériel volé devant être revendu. Mais après le salon, El Anrif se rend à l’étage où dorment une femme et ses enfants. Le butin du rez-de-chaussée n’était visiblement pas suffisant. La femme se réveille, hurle de peur et met en déroute les cambrioleurs qui avaient aussi pénétré dans la chambre d’une enfant.
La plaidoirie de Me Saidal, l’avocat de la victime, est implacable. «Le traumatisme pour cette famille est immense. Ma cliente a quitté cette maison qui lui appartient pour prendre une location. Elle ne peut plus y vivre, cette maison lui fait peur, encore aujourd’hui.»

« Il a semé la terreur »

Et l’avocat enfonce le clou : «El Anrif a semé la terreur à Mayotte. Bandrélé, Mamoudzou, Cavani… On lui reproche des cambriolages aux quatre coins du département.»
«C’est ce type de comportements qui est à l’origine de la désaffection de Mayotte. Les vols avec violence font partir beaucoup de monde et éloignent les touristes de notre département.»

Sur les vols, l’affaire est entendue. Mais concernant l’évasion, les avocates des prévenus vont plaider la faute de l’administration pénitentiaire. «Il est normal qu’une personne contrainte veuille prendre la fuite, explique naturellement Me Briard. C’est à l’administration pénitentiaire de s’assurer du bon déroulement des peines» et donc d’éviter la tentation de s’enfuir.

Le tribunal ne va pas les suivre. Maanrouf est condamné à 6 mois de prison ferme qui s’additionnent à la peine qu’il purge déjà. Pour El Anrif, la peine est de quatre ans de prison dont 18 mois avec sursis. Et lorsqu’ils seront remis en liberté, les deux hommes seront interdits de territoire national pendant 10 ans.
Maanrouf est reparti pour Majicavo. L’écran de la vidéo-conférence s’est éteint. A La Réunion, El Anrif a rejoint, lui aussi, sa cellule.
RR
Le Journal de Mayotte

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