CARNET DE JUSTICE DU JDM. «Quand on est chargé d’une mission de service public, il y a des choses qu’on fait encore moins que les autres.» La sentence vient de tomber est limpide. L’explication est limpide. Mansour* vient d’être condamné à deux mois de prison avec sursis et 2.000 euros d’amende pour corruption passive.
L’homme est chef d’exploitation de la gare maritime, il est chargé des entrées et sorties de bateaux, de la sécurité et du respect des règlements en vigueur. En octobre 2011, il convoque Saïd*, un agent de gardiennage en stage pour lui montrer une photo sur son ordinateur. On y voit le stagiaire en train de pêcher dans le port, chose strictement interdite. Les versions des deux hommes diffèrent alors. Mansour affirme que Saïd a proposé de lui verser 2.500 euros contre son silence. Le stagiaire explique, à l’inverse, que c’est Mansour qui lui a demandé de verser une amende de 2580 euros, en liquide, une contravention fictive puisqu’il n’est pas habilité à dresser une infraction.
Un mois avant de rembourser
Quoi qu’il en soit, Saïd retire de fortes sommes en liquide à cette date, comme l’attestent ses relevés bancaires. Et de l’argent est remis dans une enveloppe, en trois versements au domicile de Mansour. Mais il se rend finalement compte de l’anormalité de la situation et décide, un mois plus tard, de rembourser le pêcheur.
Devant le tribunal, l’histoire est un peu confuse. Les deux hommes ne sont pas d’accord sur les montants versés. Ils ne s’entendent pas non plus sur le remboursement qui est finalement effectué, Ali n’aurait pas récupéré l’intégralité de ses versements, raison pour laquelle il a porté plainte… plus d’un an après les faits. On s’y perd, jusqu’à ce que le président Rieux replace le sujet des débats.
Au service du public
Il s’adresse au prévenu : «Ce que vous racontez m’inquiète sur le fonctionnement de cette île. Vous avez un pouvoir disciplinaire et, à la place où vous êtes, vous acceptez une enveloppe. C’est courant ce genre de chose ? Vous êtes dans un service public, vous êtes donc au service du public. Le simple fait d’accepter une enveloppe, ça pose problème. Ce n’est pas un mois qu’il faut mettre pour prendre conscience de ça. C’est un dixième de seconde. On ne prend pas d’enveloppe.»
La sentence est donc prononcée pour Mansour. Ali a de la chance de ne pas avoir été poursuivi, lui aussi, car si les corrompus tombent sous le coup de la loi, les corrupteurs sont également dans l’illégalité.
Comble de l’histoire, le jour où la fameuse photo a été prise, Ali ne pêchait pas.
RR
Le Journal de Mayotte
*Les prénoms ont été changés
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