Une plantation de vétiver malgache est venue présenter son savoir-faire au forum des métiers et de l’artisanat de Mamoudzou. En plus de son parfum, la plante présente beaucoup de qualités qui pourraient intéresser Mayotte.
La culture de l’ylang ylang a donné à Mayotte son surnom d’île aux parfums. Mais une autre plante odoriférante gagnerait à se répandre dans notre département tant ses qualités sont nombreuses : le vétiver. C’est en tout cas l’argument développé par une plantation malgache, installée à 80km au sud de Tananarive. Yoann Coppin, qui a créé l’exploitation il y a six ans, a été invité par la CMA* au dernier forum des métiers et de l’artisanat de l’océan Indien, pas tout à fait par hasard.
«Mayotte a eu un historique avec le vétiver mais il n’en reste quasiment plus actuellement, souligne Yoann Coppin. Pourtant, développer une petite production locale permettrait de redécouvrir les techniques simples qui ont été oubliées et de réinstaller le vétiver dans les mentalités.»
Ce Français a découvert le vétiver à Madagascar en 2001 dans le cadre d’un sujet d’études mené avec une association en partenariat avec l’UNESCO. De retour en France et convaincu de ce qu’il avait vu, il a monté un projet et remporté un prix national du ministère de la jeunesse en 2003. Avec les 4.000 euros gagnés, il a monté une petite structure qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Artisanat et fixation des sols
Car cette plante mériterait, en effet, d’être redécouverte. Le vétiver se présente sous la forme d’une grosse touffe d’herbe à partir de laquelle un artisanat très varié peut se développer : huiles essentielles, tressage (stores ou tapis), objets décoratifs et même isolation thermique d’un habitat traditionnel. Mais ce sont ses racines qui ont fait son succès à Madagascar, confrontée à des problèmes majeurs d’érosion des sols.
Le système racinaire du vétiver est extrêmement dense et pénètre très profondément dans les sols, au-delà de 3 mètres. Une haie de vétiver qui suit les courbes de niveaux, forme une barrière végétale qui ralentit le ruissellement, améliore l’infiltration et stoppe les sédiments. Ainsi, le sol n’est plus emporté, il est stabilisé.
«Le vétiver peut être utilisée pour la protection d’infrastructures comme les bords de routes qui peuvent raviner, fixer des talus mais aussi dans des zones d’habitation où le couvert végétal a complètement disparu», souligne Yoann Coppin. Comme à Madagascar, Mayotte connait bien le phénomène au moment où les fortes pluies de la saison humide emportent les sols et font rougir le lagon.
Dans la Grande île, le vétiver tente aussi de mettre un terme à l’agriculture itinérante, qui consiste à défricher la forêt primaire, planter pendant deux ou trois puis recommencer ailleurs, une fois les sols «lessivés». Yoan Coppin travaille également sur un projet de protection des rizières, pour lutter contre l’ensablement et pour stabiliser les bassins.
Décontamination des sols
Sur les 10 hectares de sa plantation, un hectare seulement est consacré à la pépinière de vétiver. «Un hectare de vétiver intensif, cela représente 35.000 touffes et un potentiel d’un million de plants. Car le vétiver n’est pas une plante envahissante, elle ne fait pas de graine. Il faut que la main de l’homme la plante.»
A Mayotte, le vétiver pourrait également répondre à une actualité brulante : il a des capacités d’épuration des eaux usées mais aussi de décontamination des sites pollués comme les décharges. Au moment où le travail de fermeture et de stabilisation des anciennes décharges est lancé, la piste du vétiver mériterait d’être réfléchie.
Et nul doute que les riverains d’Hamaha ou de Chirongui ne seraient pas mécontents que les senteurs de vétiver remplacent les odeurs nauséabondes qu’ils connaissent depuis tant d’années.
RR
Le Journal de Mayotte
*CMA : Chambre des métiers et de l’artisanat