Le Conseil Local de Prévention de la Délinquance de Mamoudzou a muri. Il travaille davantage sur la prévention, mais pas encore assez sur la parentalité selon certains intervenants. Un sujet souvent dévié, qui a provoqué l’ire du procureur.
Le Conseil Local de Prévention de la Délinquance (CLSPD) a été créé par le décret du 17 juillet 2002, mais n’a que trois ans à Mayotte. Il vise à échanger et décider des actions à mener dans le cadre de la lutte contre l’insécurité et la prévention de la délinquance. Il est présidé par le maire, et réunit le préfet, le procureur, le président du Conseil général, les représentants d’établissements publics et les associations œuvrant notamment dans l’action sociale.
Premières avancées, contrairement aux précédents, ce CLSPD n’a pas été réuni à la suite d’un drame ou d’un fait divers particulier, ce qui a permis à des actions de prévention de réellement voir le jour.
Il n’est plus nécessaire de dresser un constat de la délinquance à Mamoudzou, chef lieu du département. Mais si les « violences crapuleuses » comme les résume le commissaire Scapin, destinées à s’accaparer un bien, s’accroissent de 16% au premier semestre 2014 par rapport à 2013, les autres « bagarres entre jeunes ou atteintes à l’intégrité physique » sont en régression.
Deux commentaires malgré tout : les chiffres ne concernent que les crimes et délits, pas les simples faits de délinquance, et beaucoup de victimes rechignent à aller déposer plainte. Ce qui explique que la Police puisse parler de délinquance « ressentie », quand la population la « sent » passer.
On le sait, dans l’ensemble, les infractions sont le fait de très jeunes mineurs, 10-11 ans à 84%, que des garçons, « les autres étant de très jeunes majeurs, de moins de 25 ans ». Un commissaire qui appelait logiquement les acteurs du secteur de l’enfance à se mobiliser, en insistant, « je ne critique personne, il faut seulement avancer ».
Les maires au centre de la lutte contre la délinquance
Ce ne sont pas des jeunes mineurs isolés, « 85% des jeunes délinquant ont des parents à Mayotte ».
Une des solutions envisagées il y a un an par la mairie est la mise en place des médiateurs aux abords des établissements scolaires, « ils sont originaires des mêmes villages que les jeunes scolarisés qui se tiennent donc tranquilles», témoignait le collège de Passamainty.
Mais la sous-préfète Sylvie Especier soulevait le problème de l’absentéisme de ces médiateurs, « la moitié ne sont pas à leur poste, l’Etat ne continuera pas à financer dans ce cas ». La représentante du collège demandait le passage d’un coordinateur pour un pointage.
Autre solution, « les dispositifs de rappel à l’ordre par lesquels les maires peuvent convoquer les parents pour leur rappeler l’obligation de scolariser leurs enfants », expliquait le procureur Joël Garrigue, « et lorsque des dégradations sont commises, on peut demander réparation aux auteurs des faits ». Un partenariat indispensable justice-maires qui sera évoqué par Joël Garrigue en réunion le 11 juillet, « il faut remettre les maires au centre de la lutte contre la délinquance ».
La vidéo surveillance, une idée qui rassure
Plusieurs actions sont en cours pour redonner un sens civique aux jeunes, une « Journée de la courtoisie » au collège de Passamainty ou des formations au BAFA. Elles sont encore mal coordonnées, et pas assez organisées pour Sylvie Especier qui a fermement recadré expliquant qu’elle ne pouvait financer des projets qu’elle n’avait pas validés.
Des fiches qui ont un autre défaut, une seule s’atèle à renouer l’autorité parentale, « on continue dans les activités proposées à séparer parents et enfants », critiquait Nafissata Mouhoudoir, de la direction de la Jeunesse, des sports et de la Cohésion sociale, qui avait participé à une réunion sur ce thème en… juin 2011. «Lorsque les médiateurs sont partis, on a de la casse ! Il existe un Protocole départemental de parentalité qu’il faut utiliser. On ne peut pas mettre de l’institutionnel partout !»
C’est ce que propose pourtant la mairie de Mamoudzou avec un projet de vidéo surveillance « pour prévenir les atteintes aux personnes et protéger les installations publiques ». Pas de miracles à en attendre prévenaient ses interlocuteurs, « surtout avec la mode des capuches !»
Alors qu’une intervenante appelait à des châtiments corporels exemplaires, le procureur mettait en garde en élevant la voix: «Si je n’ai jamais poursuivi quelqu’un pour une claque ou une fessée, nous en avons d’ailleurs tous reçu un jour, humilier un enfant, se défouler sur lui, je ne le permettrais jamais, cela ne fait pas partie des lois de la République». Et montant d’un cran, « a contrario, les parents qui disent ne plus oser corriger leurs enfants par peur du tribunal, font une mauvaise interprétation de la loi, et laissent leurs enfants au juge ! N’abandonnez pas ! », enjoignait-il.
Beaucoup de résolutions et d’actions au menu de ce CLSPD. Si la justice à sa part en impliquant les parents des fauteurs de troubles, l’amélioration ne pourra venir que de la société civile et de ce qu’elle propose. A ce titre, le maire est le personnage central.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte