Le catamaran Manga Be est un habitué de la navigation dans la région. Mais cette fois ci, l’escale à Mohéli (Union des Comores) s’est mal passée, après qu’il ait été arraisonné par la police.
Jacky Hezette, le capitaine et propriétaire du catamaran de 14m Manga Be, qui s’est rendu avec un autre voilier, le Longtemps à Mohéli vendredi dernier n’oubliera pas son escapade, dont l’incident a été révélé par nos confrères des Nouvelles de Mayotte. Pas plus que ses huit passagers. Il revient précisément sur les faits.
« Nous sommes partis jeudi dernier pour Mohéli, suivis par le Longtemps ». C’est le voilier de la vice-procureur Hélène Bigot qui nous avait indiqué ce jeudi-là quitter Mayotte définitivement avec son compagnon et ses enfants.
« Comme à mon habitude », poursuit Jacky Hezette, « j’appelle par VHF les autorités du port à 20.000 miles de Fomboni (capitale de Mohéli, ndlr), avant donc d’entrer dans leurs eaux territoriales qui sont à 12.000 miles ». Aucune réponse, « j’appelle donc par téléphone et réveille pour l’occasion le commandant du port ». Ce dernier a l’habitude de voir le Manga Be, « cela fait 15 ans que je viens régulièrement dans cette île des Comores », précise-t-il.
Il arrive vers 13 heures. Mais alors que d’habitude il mouille son annexe pour récupérer à terre le commandant du port, le représentant de la Police aux frontières pour les visas et un gendarme, « et plus rarement la douane », cette fois ci on lui demande de débarquer à terre avec ses papiers, « les fiches d’entrée de tous mes passagers et du second bateau pour l’Union des Comores ».
Auditionné par le procureur
Mais au moment de remplir les visas, « un lieutenant de Police qui n’était pas de Mohéli s’adresse à moi : « je vous donne l’ordre de repartir, de rentrer à Mayotte ». Il obtempère, et une fois à bord de son catamaran, commence à relever l’ancre lorsque tombe un contre-ordre par VHF : « restez ici, et nous vous arraisonnerons en cas de désobéissance ! ». Ordre lui est donné de débarquer avec tous ses passagers de nouveau. Jacky obtempère mais veut protéger ses passagers, « sur un voilier battant pavillon français, ils ne risquaient rien ».
Une fois à terre, il rencontre le consul de France, Nouroudine Ahmed Matoir qui lui garantit sa sécurité et celle de ses passagers. Ils sont alors amenés au sein des installations portuaires « pour y être auditionnés par le procureur de la République. Ça a fini à 21 heures ! ». A son tour, le skipper du Longtemps est appelé, refuse de débarquer ses enfants, et sera auditionné dans une ambiance tendue. « Personne n’était armé », tient à préciser Jacky Hezette, « du moins pas de manière visible ».
Tensions autour de la présence d’Ikililou Dhoinine
L’audition finie, et les autorités françaises s’activant à Mayotte comme à Paris, la tension s’est apaisée, « ils nous ont proposé de poursuivre notre croisière à Mohéli, ce que nous avons décliné pour rentrer à Mamoudzou ».
Le skipper du Manga Be refuse même de revenir dans l’île : « hors de question que j’y retourne, à moins qu’on m’explique clairement les raisons de cet incident. Certains ont évoqué notre présence dans le parc marin de Mohéli ce qui est faux, je suis arrivé comme d’habitude directement depuis Mayotte. D’autres nous ont reproché de ne pas nous être signalé lors de notre départ de Mayotte, mais c’est la procédure pour les navires au commerce, pas à la plaisance ! ».
C’est peu de dire que Jacky Hezette est écœuré, « j’apporte toujours des ballons aux enfants lorsque je vais là-bas, tout le monde me connaît ». Lui et ses passagers ont craint la prison, « et qu’ils saisissent le bateau ».
Plusieurs explications ont été avancées, d’une vengeance de l’Union des Comores pour avoir été ajoutée par la France sur la liste des pays où les français sont appelés « à la plus grande vigilance » face à la menace de l’Etat Islamique, d’une atteinte à la vie du président de l’Union des Comores Ikililou Dhoinine alors de passage à Mohéli. Une chose est sûre pour Jacky Hezette : « les autorités comoriennes avaient pris la main sur celles de Mohéli ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte