On craignait des tensions entre jeunes aux abords du tribunal de Mamoudzou lors de comparutions immédiates liées aux échauffourées à Majicavo et Kawéni. Ce sont finalement les dysfonctionnements du tribunal qui ont alimenté la chronique de la journée.
Les quatre justiciables auront attendu jusqu’à 19h40 hier mercredi pour savoir de quoi seraient faites leurs prochaines semaines: liberté, prison ou contrôle judiciaire. Ces quatre jeunes adultes ont été interpellés ce lundi dans le cadre des enquêtes après les échauffourées qui ont enflammées Kawéni et Majicavo il y a presque trois semaines. On leur reproche des choses différentes, des vols de scooter, des ports d’armes, des participations à des attroupements et des violences volontaires.
Les quatre étaient présentés en audience de comparution immédiate et leur dossier unique devait être examiné à partir de 14 heures. Mais le fonctionnement du tribunal en a décidé autrement : les justiciables, leurs avocats, le public et les journalistes ont dû s’adapter face au spectacle d’un tribunal qui règle ses problèmes internes en public.
Le temps qui file
Tout au long de la journée, rarement l’audience ne s’est autant étalée dans le temps. A partir de 8 heures du matin, en correctionnelle, la cour sous la présidence de la juge Viviane Peyrot devait examiner 12 affaires pour ensuite enchaîner avec les comparutions immédiates à 14 heures.
Mais au fur et à mesure que l’audience correctionnelle progressait, il devenait évident que le programme de la journée ne pourrait pas tenir dans des délais raisonnables. Les 12 affaires prenant beaucoup de temps (trop ?), le verdict des premiers dossiers tombait à 14h35 alors que la cour devait encore examiner trois dernières affaires.
«Une audience correctionnelle dure normalement 6 heures au maximum», relevait la présidente mais ce mercredi la cour a siégé pendant 7h30.
Pour autant, une fois la correctionnelle achevée, impossible de poursuivre à 15h30 avec les comparutions immédiates : la présidente Viviane Peyrot prévenait qu’elle devait lire les dossiers avant de présider la séance qui a donc débuté avec plus de 3h30 de retard.
Problème de planning
Volontairement ou non, la cour a fait la démonstration de la nécessité de la présence de deux juges différents pour l’audience correctionnelle du matin et les comparutions immédiates l’après-midi… prenant donc à témoin, les nombreuses personnes qui s’étaient déplacées pour assister aux conséquences des premières interpellations après les échauffourées.
Les forces de police et de gendarmerie avaient déployé un dispositif pour faire face à d’éventuelles tensions. Elles ont effectivement eu lieu mais pas où on les attendait.
Après avoir longuement présenté les quatre prévenus, la présidente indiquait que l’affaire ne serait pas jugée sur le fond : «le volume du dossier et le temps qui m’était imparti n’a pas permis une lecture totale, complète et sérieuse de la procédure», expliquait-elle.
Pendant plus de deux heures, les débats vont donc porter sur le sort qui allait être réservé aux quatre jeunes avant leur nouvelle comparution annoncée pour le 3 novembre prochain. Deux heures car, en réalité, ils ne sont pas impliqués dans les mêmes faits. Ce sont quatre affaires qui ont été assemblées en un seul dossier avec comme seul point commun les événements des 20 et 21 septembre, «un packaging médiatique pour montrer à la population qu’on s’occupe des émeutes», dénonce Maître Simon.
Trois contrôles judiciaires
Il faut donc prendre le temps d’évoquer chaque cas, les faits qui leur sont reprochés, les éléments de leur personnalité pour trancher : doivent-ils être incarcérés pour éviter qu’ils fassent pression sur les témoins, menacent les victimes voire qu’ils quittent le territoire pour échapper à la justice ?
Les plaidoiries sont tendues et interrompues à plusieurs reprises, par la présidente ou le procureur, qui s’agacent des choix ou des mots de la défense.
Finalement, ces jeunes hommes, âgés entre 21 et 23 ans sont tous les quatre remis en liberté, trois d’entre eux étant placés sous contrôle judiciaire strict avec obligation de se présenter à la gendarmerie deux fois par semaine.
Jusqu’au 3 novembre, ils ont également interdiction de se rendre à une manifestation sportive, d’entrer en contact avec les autres prévenus, les victimes et leur famille et interdiction de porter des armes «même un petit chombo». Ils devront également répondre à toute convocation de la justice.
Ils sont donc repartis, dans le calme, vers Kawéni pour certains et le village de Majicavo pour les autres.
RR
Le Journal de Mayotte