La ministre de la justice et garde des sceaux était à Sada ce mardi matin pour visiter le greffe détaché du tribunal d’instance. L’occasion d’en appeler à la capacité des Mahorais à inventer leur avenir.
Christiane Taubira est une talentueuse politique et une oratrice hors pair : elle sait parler et elle sait quoi dire. Elle en a encore fait la démonstration ce mardi matin à Sada. Sans notes, elle a tenu un discours avec du souffle comme les Mahorais n’en n’ont pas souvent entendus de la part des hauts responsables de l’Etat qui visitent notre département : simple, direct et porteur de perspectives, de quoi remettre du sens dans cette visite ministérielle.
«C’est la 3e fois que je viens dans votre territoire», rappelait Christiane Taubira, 12 ans après la campagne présidentielle de 2002 où elle était candidate. «Je vois ce qui a changé, je vois à quel point vous avez été capables de faire face à une situation qui n’a cessé de bouger. Vous portez en vous l’aptitude de faire face aux situations auxquelles vous êtes confrontés.»
Ne pas calquer ce qui se fait ailleurs
Sans nier les difficultés et «les défis considérables» de notre département, elle enjoint les Mahorais de ne pas attendre des solutions venues de métropole, «vous devez être fortement impliqués dans les réponses», a-t-elle indiquée. «Il ne s’agit pas de calquer ce qui se fait ailleurs, la République a besoin de l’ingéniosité de tous. Parfois, dans un coin, on invente un dispositif et ça sert à tout le monde», s’attribuant ainsi le rôle de passeur pour repérer des originalités et des solutions adaptées aux territoires où elles sont mises en œuvre.
L’expérience du tribunal décentralisé de Sada et cette volonté de faire venir le droit au plus près des habitants, «pour que les règles soient mieux connues, mieux respectées et que la vie soit plus agréable» sera ainsi évaluée a promis la ministre et peut-être dupliquée dans d’autres territoires.
Puiser des idées dans le passé
Alors que Mayotte change très vite, Christiane Taubira met en garde contre la perte des repères et des cultures, une situation que la Guyanaise connaît malheureusement bien : «Il ne faut pas rejeter le passé quelques soient les attraits de ce qu’on nous met sous les yeux» parce qu’il a été «un moment d’invention, de construction et de recherche de réponses aux problèmes et aux nécessités de l’organisation sociale». Bien sûr, Christiane Taubira admet qu’il y a des choses «à actualiser», «à moderniser» mais «il y a des choses à garder. Il faut interroger le passé pour savoir ce qu’on en retient.»
Pour la ministre, l’Etat via le préfet, les administrations ou les parlementaires, sera toujours aux côtés de Mahorais mais c’est à eux d’«aller y puiser dans le passé des idées» pour ensuite se «tourner vers l’avenir pour trouver des réponses mahoraises aux problèmes» auxquels nous sommes confrontés.
«Il n’est pas possible qu’il n’y ait pas d’avenir pour Mayotte, que ce ne soit qu’une succession de problèmes et de crises.»
Depuis que les responsables politiques ne venaient plus de Paris faire de grandes annonces, aucun n’avait probablement trouvé ce ton juste pour tenter d’impliquer la population et de toucher les Mahorais au cœur. A Sada, les habitants ont appris un mot guyanais : «mayouri», l’équivalent de Moussada, l’entraide, la capacité de faire des choses ensemble. «Jetez un œil à ce que vous avez fait, au chemin parcouru, concluait Christiane Taubira. Si vous avez été capables de faire ça, à cette vitesse-là, l’avenir ne peut pas vous effrayer.»
RR
Le Journal de Mayotte