Le chiffre d’affaires record d’un brochetti qui ne déclarait pas ses salariés

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CARNET DE JUSTICE DU JDM. Le brochetti est connu de tout le monde à Mayotte. C’est peut-être le plus grand restaurant de brochettes du département. A Mgombani, à proximité de la Pointe Mahabou, ses tables s’installent généreusement sur le parking entre les cases SIM et la rocade.

Panneau salle d'audience TGI MamoudzouLe 20 avril 2013, un contrôleur du travail s’y rend pour une visite de routine, c’est le début de la procédure. Il y trouve quatre salariés qui préparent les plats qui seront servis le soir. Il y a là un homme qui nettoie les légumes et qui ne sait pas depuis quand il travaille dans cette entreprise. Une femme est préposée à la coupe des légumes et des viandes. Elle est munie d’un titre de séjour d’un an et indique travailler de midi à 23 heures du lundi au samedi, soit 66 heures par semaine, pour 700 euros par mois.
Une deuxième femme, également à la découpe, est sans titre de séjour et ne connaît pas le montant de son salaire. Enfin, une troisième «salariée», elle aussi clandestine et donc sans contrat, a pour mission de découper les fruits à pain.

Ce mercredi matin, la propriétaire du brochetti est à la barre de l’audience correctionnelle, poursuivie pour «recours à travailleur étranger sans titre» et «travail dissimulé par dissimulation de salarié», autrement dit, pour avoir employé des personnes sans les déclarer. Pourtant, la patronne aurait pu éviter d’être face au tribunal. On lui a proposé un stage de sensibilisation à la législation et au droit du travail pour ne pas être poursuivie. Elle a refusé.

La prévenue ne conteste pas les faits, elle reconnaît avoir employé ces personnes. Et aux policiers qui mènent les investigations, elle livre même quelques éléments qui donnent une idée de l’activité de ce brochetti, qui l’oblige à avoir au moins quatre salariés en plus des membres de la famille, comme le neveu qui assure la caisse mais qui, lui non plus, n’est pas déclaré.

Un brochetti qui bat tous les records

Le restaurant écoule des quantités impressionnantes de marchandises : 19 gros fruits à pain par jour (les 4 tranches sont vendues 1€), 3 cartons de 10kg de mabawa et 3 sacs de 10kg de viande de boeuf chaque vendredi et samedi (4 mabawas = 2€ et 3 brochettes = 1€), 5 ou 6 kg de papaye par jour (1 assiette = 1€), , 3 régimes de bananes par jour (3 bananes = 1€), 10kg de manioc par jour (4 morceaux = 1€)… etc. Le tribunal a tenté de faire une extrapolation de son activité à partir de ces informations. Il a estimé son chiffre d’affaires à plus de 166.000 euros par an.
«La moindre des choses, quand on a un commerce qui marche bien, c’est de prendre des salariés, de les déclarer et de les payer», fait remarquer la présidente Peyrot.

Porte de la salle d'audience du TGI de MamoudzouMais la bouéni à la barre affirme ne plus s’occuper du brochetti, elle aurait laissé l’affaire à sa belle-sœur. Elle affirme ne plus souhaiter faire de commerce mais elle n’a pas pour autant apporté les documents qui le prouve. «De quoi vivez-vous ?» demande la présidente Peyrot. «Des allocations familiales», répond la prévenue, laissant le tribunal incrédule. «Vous avez trois enfants, vous touchez donc 120 euros par mois. Vous laissez une affaire à 166.000 euros de chiffre d’affaires pour vivre avec 120€ ? J’ai du mal à vous croire !»

Une patronne déjà condamnée

Le problème pour la patronne, ou l’ex-patronne, c’est qu’elle a déjà été condamnée, avec le même brochetti pour les mêmes faits. Elle a dû payer une amende de 1.000 euros en juin 2011. Pour la procureure, c’est donc quelqu’un pleinement au courant de la loi qui est à la barre. «Ce genre de comportement porte préjudice bien sûr aux salariés qui ne sont pas déclarés, mais cela représente aussi une concurrence déloyale vis-à-vis des autres restaurants qui eux s’acquittent de leurs cotisations sociales et de leurs impôts.»

Le tribunal va aller au-delà des réquisitions de la procureure. La propriétaire du brochetti mangrove est condamnée à une peine de jour-amende de 60 jours à 50 euros. Elle doit donc s’acquitter d’une amende de 3.000 euros. Si cette amende n’est pas payée, elle se transformera en autant de jours de prison. C’est la voie choisi par le tribunal pour faire comprendre à cette entreprise prospère les règles qui s’imposent à tous pour un bon fonctionnement de la société.
RR
Le Journal de Mayotte

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