Ce vendredi était pour Cathy Patel le dernier jour d’une carrière bien remplie, une vie consacrée à porter secours aux autres. Elle part à la retraite après avoir accompagné les bouleversements majeurs du service des pompiers à Mayotte durant les 3 dernières années.
Le petit Algéco est posé sur le côté de la caserne de pompiers de Kawéni. C’est le «CTA CODIS», le centre de traitement de l’alerte du Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours, autrement dit, le centre névralgique des pompiers de Mayotte.
Dans la salle protégée des rayons du soleil, 3 opérateurs installés devant des séries d’écrans d’ordinateurs et 2 pompiers professionnels assurent une présence permanente pour répondre aux 28.000 appels annuels sur le 18 ou le 112*… des appels qui ne correspondent pas toujours à de véritables urgences.
«Quand les gens n’ont plus de crédit, les seuls appels qu’ils peuvent passer, ce sont les numéros d’urgence. Alors, on nous demande souvent de débloquer des carte SIM… ce pour quoi, évidemment, on ne peut pas faire grand-chose !» remarque Cathy Patel. Depuis trois ans, elle officie au centre comme sur les terrains d’intervention de Mayotte. Ou plutôt, elle officiait : ce vendredi a été pour elle le dernier jour d’une belle carrière.
13.000 interventions annuelles
Ce vendredi, pour la dernière fois , elle s’est tenue à côté des opérateurs qui remplissent les fiches d’information sur les événements qu’on leur décrit par téléphone avant de déclencher le départ des équipes depuis les 6 casernes du département : Acoua, Longoni, Pamandzi, Chirongui, Kahani, le dernier centre de secours ouvert en décembre 2012 et bien sûr Kawéni. Ce sont ainsi près de 13.000 interventions annuelles qui sont envoyées depuis le CTA, un nombre qui n’a pas diminué contrairement aux prévisions : «les ambulanciers privés sont arrivés mais nous n’avons pas encore vraiment constaté un transfert d’activité. Les gens ont l’habitude des pompiers, on est un peu les taxis rouge, particulièrement la nuit», explique Cathy.
Faire plus d’interventions la nuit que le jour, c’est une des particularités des pompiers de Mayotte, comme lutter contre les feux de bangas, un type d’incendie violent où les flammes se propagent très vite, la chaleur embrasant le bois et les tissus, «des interventions qui nécessitent parfois de tirer plus d’une centaine de mètres de tuyaux». L’autre grande spécificité mahoraise, ce sont les accouchements. «Ici, il n’y a pas un sapeur-pompier qui n’ait pas fait d’accouchement à domicile ou dans un véhicule. En métropole, ça n’arrive plus», note Cathy Patel.
Et puis à Mayotte, les pompiers doivent gérer la chaleur, celle du soleil ajoutée à celle de l’incendie, avec une cagoule, un casque, une veste de feu et l’appareil respiratoire isolant (ARI) : «il faut faire tourner très souvent ceux qui interviennent pour leur permettre de se rafraichir et de se réhydrater.»
Lieutenant Patel
Cathy est lieutenant. Elle arrivée à Mayotte en 2011, immédiatement après la création du CODIS. Comme souvent dans notre département, on oublie qu’en seulement quelques années, le service s’est totalement calqué sur les modes de fonctionnements métropolitains. Elle est venue pour terminer sa carrière en découvrant encore tant de nouvelles choses.
Toute jeune, ce sont les feux de forêts dans son sud-est méditerranéen qui l’ont poussée à s’engager. «Après j’ai découvert et j’ai aimé toutes les facettes de ce métier : le secours à la personne, l’aide que l’on apporte aux gens et aux biens… On fait vraiment un métier de solidarité. Quand on sauve une maison sans qu’il y ait de victime ou bien sur une personne, c’est toujours une grande satisfaction, un plaisir très particulier.» A Mayotte, Cathy se souvient avoir participé à l’intervention sur «le plus gros accident de ces trois dernières années, un camion tombé d’un pont, 18 mètres en contre-bas, dans le sud à Mramadoudou.»
Un métier et une ambiance qui changent
Bien sûr, le métier est aussi fait de beaucoup de routine. Et puis maintenant, il faut aussi vivre avec les agressions, les caillassages et les réflexes procéduriers qui n’existaient pas il y a quelques années. «Maintenant, on nous fait des procès quand on estime qu’on n’arrive pas assez vite.» Notre époque où l’immédiateté est la règle ne supporte plus le temps d’attente des secours après avoir donné l’alerte.
«En prenant de l’âge -même si je ne me sens pas du tout vieille !- on ne retrouve plus forcément les idéaux pour lesquels on est entré. Il y a beaucoup de choses qui changent dans notre métier.» Cathy a commencé en 1979, avant de passer pro en 1985 à Orléans. Et 35 ans après, sa passion de l’intervention et de l’action sur le terrain est intacte… même s’il faut bien s’y résoudre. L’heure de la retraite a sonné.
«En arrivant à Mayotte, j’avais dit que je voulais rester jusqu’à la départementalisation pour suivre toutes les transformations de notre métier. Depuis le mois de juillet, c’est fait, nous sommes un SDIS, je peux partir satisfaite !»
Ecrivain du monde
Cathy part sans regret, laissant un poste vacant, ouvert à la mutation, le 3e actuellement chez les pompiers. Elle part, la tête pleine de projets: pour sa retraite, impossible d’imaginer qu’elle va s’ennuyer.
Elle va rentrer dans la Provence qu’elle aime profondément mais par pour s’y encrouter. «Je vais reprendre mes voyages parce que depuis Mayotte ce n’est pas facile.» Parmi ses envies, l’Asie, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, la traversée des Etats-Unis en camping-car avec ses parents… bref de quoi faire un tour du monde qui pourrait commencer dès le mois de janvier par l’Argentine.
Elle va pouvoir à nouveau partager ses récits et ses carnets de voyage avec tous ceux qui veulent bien la lire. Elle a créé un blog, ecrivaindumonde.com pour pouvoir assouvir son autre passion, l’écriture. «Je me qualifie volontiers de rédactrice-écrivain-biographe… Ca permet d’avoir toutes les libertés !»
RR
Le Journal de Mayotte
*Pour appeler les pompiers : composez le 18 depuis un poste fixe et depuis un portable avec abonnement, le 112 depuis tous les téléphones portables
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