Agression sexuelle : juger sans coupable idéal, sans victime idéale

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C’est encore une fois parole contre parole, et sans aucune preuve matérielle qu’était jugée une affaire d’agression sexuelle sur mineur par personne ayant autorité.

Me Kondé
Me Kondé

C‘est une infirmière du lycée Younoussa Bamana de Mamoudzou qui fera le signalement : une jeune fille vient de lui parler d’attouchements sexuels dont elle serait victime de la part de son beau-père contre du chantage. Une jeune fille qui, toujours selon ses dires, aurait déjà été agressée par son père biologique. Un procès a d’ailleurs eu lieu, mais les magistrats avouent n’avoir pu en connaître l’issue.

Les faits se dérouleraient au domicile, mais aussi dans les bureaux du lieu de travail du prévenu. « Un an va s’écouler entre la signalement des faits et le début de l’enquête », déplore Jean –Pierre Rieux qui préside l’audience collégiale ce mercredi en correctionnelle.

La jeune fille se sera confiée pourtant : à ses petits copains successifs, dont l’un est le père de l’enfant dont elle vient d’accoucher, à sa tante, à sa sœur puis à sa mère qui ne prend pas au sérieux les dires de sa fille, au motif que celle-ci « découche souvent ».

Une analyse psychologique ne révèle aucun trouble particulier, « un discours cohérent et crédible ». Quelques incohérences sont décelées cependant, lorsqu’elle tait aux gendarmes une fellation supposée, pour le rajouter ensuite à son récit.

D.S. lui, nie les faits. Mais il absent à l’audience, et son avocate ne l’a jamais vu, il n’est donc pas défendu lors de l’audience. Il dit travailler comme gardien et n’être jamais allé dans les bureaux, « mais pour ensuite reconnaître s’y être rendu avec la plaignante en lui autorisant l’accès à l’informatique », complète le juge qui s’interroge, « a-t-il menti par peur de l’avouer à son employeur ? ».

« Anormalement normal ! »

Chez lui aussi l’expertise psychiatrique ne donnera rien, « il s’agit d’un homme anormalement normal même ! ». Il travaille depuis des années dans cette entreprise et se rend aux champs chaque jour.

La difficulté du dossier est l’absence d’éléments tangibles. La relation familiale est conflictuelle, et dès l’annonce de sa grossesse, la jeune fille a été exclue de sa famille, elle vit chez la maman de son petit copain.

Pour son avocat, « au-delà du besoin d’attirer l’attention qu’il ne faut pas négliger, il faut relever les constances dans la déclaration de la victime » et de rajouter, comme un pendant à la réflexion du président Rieux, « c’est difficile d’avoir une victime idéale. De plus, après plusieurs mois, on lui demande de revenir sur les faits dans un domaine où il est difficile de se livrer d’un coup ». Il demande réparation à hauteur d’un euro symbomique pour sa cliente.

Le procureur Michel Alik ne chargera pas l’accusation « dans un procès où il existe des éléments à charge, d’autres à décharge et où personne n’est présent ». Il se basera lui aussi sur la constance des déclarations de la victime, « et du nombre de personnes auxquelles elle a du répéter son discours, un vrai parcours du combattant », pour expliquer les incohérences. Il demandera 4 ans de prison dont deux avec sursis, avec obligation de soin.

Le délibéré tombait quelques heures plus tard et condamnait S.A. à deux ans de prison ferme, avec inscription au fichier FIJAIS des auteurs d’infractions sexuelles, avec octroi d’un euro symbolique à la victime.

A.P-L.
Le Journal de Mayotte

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