L’équation est simple : il manque 400 salles de classe dans le premier degré pour scolariser les enfants de l’île et la préfecture dispose de 6 millions d’euros environ. Pour Seymour Morsy, la solution mathématique est le modulaire. La seule inconnue, c’est la volonté des maires. Ils étaient donc conviés à une réunion d’information.
La préfecture avait invité l’ensemble des maires de l’île au collège K3. Ce dernier, ouvert à la dernière rentrée scolaire, a la particularité comme son prédécesseur K3 d’être entièrement modulaire (bâtiments provisoires). Et pour le préfet, c’est «la» solution au problème de manque de classes dans le premier degré.
« J’ai été accueilli à mon arrivée à Mayotte par une crise portant sur les rythmes scolaires, mais plus précisément liée à l’éducation puisqu’il manque 400 salles de classes, je me devais d’apporter une solution, là voilà», posait Seymour Morsy dans son style de boxeur américain. Beaucoup d’élus s’étaient déplacés, une quinzaine. Toutes les communes n’étaient pas représentées.
Au préalable, Sylvie Especier, la sous-préfète en charge de la Cohésion sociale et la Jeunesse a entrepris un tour des communes, «sauf une», pour lister avec elles l’existant, «plusieurs classes ne sont pas ouvertes uniquement faute de passage de la commission de sécurité», mais aussi les capacités en matière de foncier, « certaines communes en ont et sur une surface plane, pour d’autres, cela sera plus difficile », expliquait-elle.
« Ça l’fait pas ! »
Le modulaire à Mayotte, « ça le fait pas ! », tentait d’expliquer en substance Bacar Ali Boto, 1er adjoint au maire de Mamoudzou, « ça n’est pas dans la culture », qui invoquait les matériaux « notamment le bois synonyme de précarité ». Signalons que le même argument avait été avancé lors de la conception de l’aéroport que tout le monde s’approprie pourtant. Le préfet faisait remarquer que si la population n’aime pas le modulaire, elle apprécie encore moins la déscolarisation de ses enfants faute de place, « nous sommes dans l’urgence ».
La question de la durée de vie de ces structures modulaires était posée : « les établissements les plus anciens comme K2 datent d’il y a deux ans, et sont comme neufs s’ils sont bien entretenus », répondait Alain Pradalet, principal du collège, qui entrait dans les détails, « il faut changer fenêtres et poignées de porte au fur et à mesure ». Une durée de vie de 10 ans était avancée. Il faudra donc prévoir le moyen terme comme le soulignait Bacar Ali Boto.
Le financement des chantiers de modulaires et de la rénovation de l’existant sera assuré par l’enveloppe résiduelle du SMIAM (Syndicat en charge des constructions scolaires, dissous ce 1er novembre), « soit 5,7 millions d’euros, auxquels 2 millions d’euros peuvent se rajouter, et je peux faire mieux ! », avance le préfet aux maires. En gros, si la demande est là, il se charge du commercial…
Des classes pour la prochaine rentrée scolaire
La visite de K3 se poursuit, certains maires se disent intéressés, Said Omar Oili, président de l’association des maires, aurait même déjà délibéré en faveur modulaire, d’autres restent sceptiques sur la durée de vie du bâtiment, avançant d’autres contraintes, « il faut obligatoirement du foncier dans l’enceinte de l’établissement, ce que nous n’avons pas », explique le maire de Bandraboua qui compte faire libérer des terrains l’année prochaine.
A Ouangani, on est pleinement favorable, et le maire s’interroge sur la marche à suivre : « le préfet doit donner les derniers arbitrages, puis je contacterai chaque commune pour annoncer les possibilités, vous pourrez ensuite délibérer », annonce Sylvie Especier. Les communes non dotées le seront en 2015, assure-t-elle. Les classes peuvent être opérationnelles à la rentrée prochaine dès que la commune aura délibéré.
Pour ne pas avoir à rattraper dans l’urgence d’autres situations, le représentant de l’Etat annonçait que toute construction sera accompagnée d’une cantine et de sanitaires en dur. « Et une salle de sieste ? », « et les gardes d’enfants en rythmes scolaires ? », réclamaient les élus.
C’est un des problèmes du territoire où l’on attend des infrastructures fraîchement sorties de terre, quand en Bretagne les enseignants regroupent les enfants pour la sieste sur des tapis posés dans une salle de classe. Des situations complexes s’entremêlent sans qu’on parviennent à les solutionner, « Aidez-moi à prendre la pelote de laine par un fil », suppliait le préfet.
Le maire de Ouangani avait décidé de jouer les bons élèves en signalant sa volonté de délibérer rapidement, et rajoutait à l’intention du préfet, « c’est la première fois que nous avons affaire à quelqu’un qui veut construire l’éducation de cette île ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte