CARNET DE JUSTICE DU JDM. Deux coups de chombo, juste pour se défendre. C’était peut-être pour se venger mais à la barre, il ne faut pas le dire. Les victimes ? Deux lascars de la bande d’en face qui, de doute façon, l’avait bien cherché. Cinq ans après les faits, ces coups de chombo valent cher à son auteur : trois mois de prison ferme et cinq mois de prison avec sursis.
Le jeune homme est déjà en prison, il purge 3 ans pour vol avec violence.
Les faits se sont déroulés il y a cinq ans et ne sont jugés que maintenant car la justice a connu de nombreux ratés dans ce dossier. Le prévenu a d’abord été envoyé devant le tribunal pour enfants alors qu’il était majeur. Et de procédures en petits problèmes, Moustoudirane, 23 ans, est à la barre quasiment cinq ans jour pour jour après les faits.
Le 7 novembre 2009, deux bandes sèment la terreur dans Mamoudzou. Des deux côtés, on sait qu’on va en découdre. Pourquoi ? Une histoire de chiens maltraités ? Ou peut-être une affaire de 10 euros ou simplement parce qu’en face, ils sont d’une autre bande, on ne sait plus. En fait, on n’a jamais su. L’absurde, comme toujours.
«Pourquoi les avez-vous blessés ?» demande le juge Soubeyran. «On m’a attaqué, je voulais me défendre. Leur chombo est tombé, je l’ai ramassé», explique Moustoudirane. Et il a frappé les deux victimes aux mains, des blessures sérieuses mais pas dramatiques, entraînant des certificats d’ITT de 6 et 8 jours.
Un casier qui s’est bien rempli
Mais ce soir-là, l’ambiance était chaude. Les coups portés par Moustoudirane ne vont rien régler. Lui-même se fait attaquer à coup de boules de pétanque par un gamin qui depuis a été condamné par le tribunal pour enfants.
Une des deux victimes est là, ce mardi après-midi, juste pour témoigner, pas pour réclamer des dommages et intérêts. «C’est eux qui sont arrivés avec le chombo», affirme-t-il. «Quand on fait partie d’une bande, c’est pas pour jouer aux cartes, fait remarquer le président. Donc, quand il y a une bagarre, on peut imaginer que vous ne comptez pas les points ?»
Si le jeune homme n’est évidemment pas une victime fragile et innocente, il n’en demeure pas moins une victime face à un agresseur qui depuis a massivement rempli son casier judiciaire : 2 ans de prison ferme pour rébellion, vol, violences en février 2012. 4 mois ferme pour vol en réunion en mai 2012. 3 mois avec sursis et 120 heures de Travail d’intérêt général en avril 2014 pour vol en réunion et finalement les 3 ans qu’il purge actuellement pour de nouvelles violences.
«Qu’est-ce qu’elle vaut votre parole si la première chose que vous faites quand vous ressortez c’est commettre de nouveaux forfaits ?» demande le juge.
«Un jour ou l’autre, la justice vous rattrape»
Moustoudirane a bien un vague projet, il suit une formation de coiffeur en prison. Son avocat, Me Hessler tente aussi de faire valoir que son client ne doit payer les dysfonctionnements de la justice. Il doit être jugé pour des faits de 2009, avant que son casier judiciaire prenne de l’épaisseur. Mais face aux phénomènes de bandes, plus aucun argument ne semble peser.
«On ne peut pas se contenter de peines symboliques», fait remarquer la procureure Prampart, face à «des bandes rivales qui ne cessent de s’agresser, sans fin».
Le juge est bien de cet avis et ira au-delà des réquisitions. Moustoudirane écope donc de 3 mois de prison ferme, 5 mois avec sursis, une mise à l’épreuve de 2 ans et quelques contraintes comme l’interdiction du port d’arme.
«Oui, on juge cette affaire 5 ans après les faits. Un jour ou l’autre, la justice vous rattrape», conclut la procureure.
RR
Le Journal de Mayotte