Le préfet Seymour Morsy était à Dembéni ce vendredi. Au fur et à mesure de ses visites communales, le discours se muscle, la critique fuse. Les mea-culpa aussi.
Ses passages hyper médiatisés dans les communes de l’île donnent l’occasion au préfet Seymour Morsy d’échanger avec les habitants et de prendre la mesure de l’ampleur de la tâche à accomplir. Comme ses prédécesseurs d’ailleurs. En réaction aux doléances, pas de cours de morale maintes fois entendues et qui ont peu d’effets, mais des uppercuts.
Interpellé par un habitant sur une commande publique à relancer, la réponse claque : « les collèges et lycées, la nouvelle prison, le Centre de rétention administrative, EDM, les 10 millions d’euros de constructions scolaires, c’est qui ?! C’est moi ! Donc ne vous adressez pas à moi ! », mettant en cause de fait les collectivités… « Il est toujours comme ça ? On n’est plus dans la diplomatie », murmure interloqué un des habitants à notre intention.
Faire et aller là où ça marche et le faire savoir, c’est la manière de fonctionner de ce nouveau préfet qui concède cependant qu’en matière d’investissement, « j’ai conscience qu’il faut faire beaucoup plus ».
En effet, l’application de la réforme des rythmes se fait difficilement dans la commune, « la 2ème superficie la plus étendue de Mayotte », dira Hamada Soihibou le maire, et pour cause, « 100% des écoles sont en rotation », plusieurs élèves se partageant la même salle de classe.
Une Commission de révision du Foncier
Mais alors que le préfet venait féliciter une commune bien gérée, Romain Chavanis, secrétaire général de Gemtour, mais surtout propriétaire du Centre équestre d’Hajangua sur la commune, et présent parmi l’assistance, s’insurgeait : « les projets que vous appelez de vos vœux pour Mayotte 2025 ou les fonds européens, je tente de les faire passer depuis des années à la mairie, sans aucune réponse. Ils concernent pourtant la jeunesse, l’insertion des handicapés… J’ai besoin d’interlocuteurs fiables ».
Une position difficile à défendre pour le maire qui attend le verdict du Tribunal administratif quant à l’annulation ou non de son élection, mais qu’il tentait néanmoins de rattraper.
Sarah Mouhoussoune, conseillère général du canton, en rappelait les enjeux, centrés sur le foncier, « il faut créer la même Commission que celle de révision de l’Etat civil mais pour le foncier, afin que les mairies puissent lever l’impôt », et les transports, « c’est le parcours du combattant avec les bouchons matinaux pour se rendre à Mamoudzou ».
Ponton flottant à Iloni
Un projet de ponton flottant est en effet programmé par le Conseil général à Iloni, site sur lequel se sont rendus le préfet et son escorte d’élus « en cas de construction du pont, nous pourrions utiliser les barges et les personnels comme liaison maritime entre les communes », remarquati le préfet. Il n’est pas budgétisé, seule une vaste étude de faisabilité a été menée, une commission doit l’avaliser.
Le montant des retraites, l’incompréhension des bacocos (grands-pères) sur une transport payant de leurs morts depuis l’hôpital jusqu’à leur dernière demeure, aucun des sujets de société qui préoccupe la population ne furent épargnés au préfet, et le lien, pas évident, mais ô combien important avec le document cadre 2025 était fait par Seymour Morsy himself : « nous avons pris la départementalisation sans se donner les moyens de comprendre les enjeux, et sans se donner les moyens pour l’accompagner. » Un mea culpa applaudi.
Des élus, au minimum, faibles…
Arrive le sujet répétitif de l’insécurité, « la faute à qui ? », interpelle un bacoco, « à l’Etat ou à nos élus ? Parce que j’ai des doutes… Ils sont faibles, il faut les aider s’il vous plaît monsieur le préfet, sinon j’ai peur qu’un jour, il n’y ait plus la majorité en faveur du département… », un grand moment de vérité.
Le lien est aussi fait avec l’immigration clandestine. Et ça, le représentant de l’Etat ne le supporte pas. Pas seulement parce que c’est un de ses pouvoirs régaliens, mais parce que « il y a autant de délinquants parmi la population clandestine que chez nos propres enfants ». Et c’est surtout l’implication de tous que recherche le préfet, « l’insécurité ne se résoudra qu’avec l’envie d’aimer le territoire sur lequel on est ».
Un regret partagé par tous les habitants francophones: une traduction aléatoire qui n’a pas repris le verbe « aimer ».
Ce qui restera de la visite, qui le sait ? Pour les habitants, sans doute le sentiment d’avoir été écoutés. Mais en est-on réellement à l’action, aux propositions élargies sur Mayotte 2025 quand des points de droit quotidiens ne sont pas compris…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte