CARNET DE JUSTICE DU JDM. La journée s’annonçait particulière pour Karim, un jeune adulte convoqué deux fois à la barre du tribunal correctionnel ce mercredi. Dès 8 heures, il commence sa journée à justifier un vol avec violence.
L’affaire est vite réglée car elle n’aurait jamais dû arriver au stade du tribunal. On lui a proposé une composition pénale, une sorte de médiation au cours de laquelle il risquait 100 euros d’amende mais il n’a jamais reçu la lettre… Voici donc trois juges qui se penchent sur un vol de six canettes de bière !
Le 25 novembre 2013, la police se déplace à l’appel du supermarché SNIE de la place de l’ancien marché à Mamoudzou, à une vingtaine de mètres de la nouvelle antenne du commissariat. Deux jeunes gens sont retenus par l’agent de sécurité du supermarché.
Un pack de six
Quelques minutes auparavant, Karim a acheté deux canettes pendant qu’un ami poussait discrètement du pied un carton vers l’extérieur du magasin : le butin, un pack de six autres canettes. Une fois à l’extérieur, l’agent de sécurité se doute de quelque chose et s’approche des deux jeunes gens. Il leur demande où ils ont acheté les six bières. La seule réponse qu’il reçoit, c’est un coup de tête.
Ce mercredi matin, le tribunal ne parvient pas à affirmer avec certitude que Karim est bel et bien impliqué dans le vol. Cet ami n’en est plus vraiment un, et le jeune homme n’a plus rien à voir avec le pack de canettes… La stratégie est la bonne, il obtient la relaxe au bénéfice du doute. Mais le répit est de courte durée.
Car Karim ne repart pas libre du tribunal. Trois gendarmes le ramènent à Majicavo où il a déjà passé une nuit après 48 heures de garde-à-vue. Dimanche soir, Karim s’est fait interpeller.
Huit heures plus tard, même barre, même juge, mêmes gendarmes, Karim est à nouveau au tribunal mais cette fois, dans le cadre d’une comparution immédiate après les événements du week-end. «Ce sont des faits autrement plus graves que ceux de ce matin», relève le juge Lameyre.
Dimanche soir, vers 21h20, un homme descend de la barge à bord de son deux-roues. Arrivé à hauteur du Camion rouge, il aperçoit Karim et quatre autres jeunes gens. Il comprend tout de suite que la soirée tourne mal et appelle ses collègues : l’individu en question est un policier fraîchement arrivé à Mayotte.
Au Camion rouge, cinq jeunes hommes, dont Karim, commencent à prendre à partie à une serveuse. «A cinq contre une fille, vous allez être en difficulté. Vous devriez appeler vos copains…» suggère sarcastique notre motard, pour détourner l’attention des individus vers lui. Le stratagème fonctionne. La serveuse peut se dégager, mais les cinq jeunes vont alors s’attaquer à l’homme qui est descendu de sa moto tout en gardant son casque sur le crâne. Bien lui en a pris : Karim se saisit d’une belle pierre et lui jette en pleine tête. Le policier doit son salut au casque qui va encaisser le choc.
Déjà 4 condamnations
A l’audience, le policier porte une minerve, trois jours après le choc, pour protéger ses cervicales qui ont souffert. Mais il n’aura pas l’occasion de témoigner. Karim demande un délai supplémentaire pour réparer sa défense. L’affaire est donc renvoyée au mois de décembre.
D’ici la future audience, Karim est maintenu en détention à Majicavo pour éviter toutes nouvelles violences.
A 19 ans, le jeune homme a un bien triste palmarès : 4 condamnations par le tribunal pour enfants dont la dernière à 6 mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve, déjà pour des faits de violences. Un mois pour préparer sa défense, ça ne sera effectivement pas de trop. Karim risque 10 ans d’emprisonnement.
RR
Le Journal de Mayotte