La garantie décennale est encore loin d’être généralisée que les professionnels du bâtiment se voient soumettre une nouvelle norme : le label RGE, « Reconnu Garant de l’Environnement ». Il sera applicable à Mayotte au 1er octobre 2015.
Sa mise en place faisait l’objet d’une matinale d’information à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mayotte, à Mamoudzou, ce vendredi matin.
Les enjeux sont de taille : avec une croissance de sa consommation électrique de 5% par an, Mayotte devient de plus en plus dépendante de ses importations de produits pétrolier (à 98%) qui alimentent ses Centrales électriques. En 2006, Electricité de Mayotte (EDM) et l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie) lancent Mayénergie, puis Mayénergie + pour tenter de contenir cette consommation.
S’en suit toute une batterie de réglementations et d’outils financiers incitatifs.
Dont cette mention RGE, qui s’adresse aux artisans et entrepreneurs du bâtiment spécialisés dans les travaux d’ « efficacité énergétique » en rénovation ou dans le neuf, ou dans l’installation d’équipements utilisant des énergies renouvelables.
Financièrement indispensable
Si elle n’est pas obligatoire et fait l’objet d’une démarche volontaire du côté du professionnel, elle est en revanche une condition indispensable pour l’obtention d’aides de la part du client : « seuls les travaux réalisés par les entreprises et artisans RGE peuvent, depuis le 1er septembre, bénéficier de l’éco-prêt à taux zéro, et à compter du 1er janvier 2015 cette règle s’appliquera également au crédit d’impôt développement durable », indiquait Marjorie Gasnier, responsable de Formation à la Direction du travail et de l’emploi (Dieccte).
C’est pourquoi une formation à l’ « efficacité énergétique » est proposée par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA), « elle permettra aux artisans d’apprendre à devenir de véritables commerciaux, capables de promouvoir les équipements économiseurs d’énergie ». Financée par la Dieccte, elle offre 15 places, « insuffisant ! », selon un participant à la réunion, et sera reconduite l’année prochaine.
L’éco-geste a un coût
Une offre qui ne laissait pas indifférente la salle qui témoignait des difficultés des artisans : « beaucoup ferment parce qu’ils n’ont pas de travail, ils ne sont déjà pas à jour de leurs dossiers administratifs, et vous leur demandez de dégager du temps ou de l’argent pour se former ?! ».
La discussion s’orientait d’ailleurs rapidement sur la garantie décennale, « il est impossible de décrocher des appels d’offre car nous ne l’avons pas »… Environ 150 professionnels sur les 400 recensés comme étant en activité, remplissent les conditions pour l’obtenir.
Ce qui ne veut pas dire qu’elles l’ont puisque, comme l’indiquait Djoumoi Djoumoy, président de la Chambre des Métiers, en rappelant toutes les dérogations mises en place : « pour répondre à un marché, l’attestation fournie par la Chambre suffit, et vous ne cotisez pour la décennale qu’après avoir décroché un marché ».
Ecologie et porte-monnaie
Une situation pas très rassurante quand on sait que la garantie décennale est appliquée à Mayotte depuis presque 10 ans, et qu’en cas de sinistre sur un bâtiment couvert par cette garantie, c’est la fortune personnelle du constructeur qui peut être engagée…
Surtout que, comme l’explique Jacques Launay, Dieccte, « les assurances ne demandent pas forcément une bonne maitrise du français, mais jugent sur la compétence ». Il invite ces artisans à contacter la Dieccte* qui les accompagne gratuitement.
Les aménagements pour l’accès des artisans à cette assurance décennale n’est pas suffisante pour certains qui regardent leur porte-monnaie et font des parallèles : « vous nous aviez dit que le tri des déchets était important pour l’écologie mais quand je les envoie à la décharge Hamaha, ça me coûte maintenant plus cher que le sable que j’achète ! ».
Christel Thuret qui représente l’Ademe depuis plusieurs années à Mayotte réagissait en invitant au tri préalable, « moins cher que la mise en décharge », et en rappelant le but final, « générer le moins de déchets possible. C’est une vraie réflexion que chacun doit avoir ».
La croissance, faible, de l’île doit être désormais économe en énergie, une donnée qui créera des opportunités professionnelles pour certaines filières, qui permettra à certains artisans de se professionnaliser, mais qui en laissera d’autres sur le quai s’ils ne se forment pas rapidement.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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