CARNET DE JUSTICE DU JDM. Autant le dire tout de suite, inutile de chercher une explication au geste de Kassim*. Plus de huit mois après les faits, sa victime n’a toujours pas compris ce qui lui est arrivé et le tribunal n’y parviendra pas plus. Le 1er mars dernier, à Koungou, Kassim a littéralement «fracassé» une bouéni, selon les mots de la procureure Maugendre, une dame qui discutait tranquillement devant chez elle.
Le jeune homme a 22 ans et il connaît bien le quartier : c’est le facteur. Ce samedi après-midi, il boit avec un groupe d’amis, probablement bien au-delà du raisonnable… même s’il affirme ne plus se souvenir de beaucoup de choses. «J’ai pris 2 verres et après le 3e, je suis parti», affirme-t-il au tribunal. Quand les gendarmes l’ont entendu, peu de temps après les faits, sa mémoire ne lui avait pas encore fait défaut. Il se souvenait qu’avec ses potes, ils avaient bu 5 bouteilles de whisky et des bières.
Etrangement, à la barre de ce mardi après-midi, il se demande s’il n’a pas été drogué à son insu. Une tentative d’explication comme une autre, qui ne convainc personne.
Sa victime, en revanche, n’a rien oublié. Elle se présente dans une belle robe blanche, avec des lunettes fumées qu’elle ne va pas tarder à enlever pour essuyer ses larmes. Elle est submergée par l’émotion n racontant les quelques minutes de terreur qu’elle a vécu.
Il l’attrape par le cou
Il est 19 heures lorsqu’elle sort de chez elle. Elle est inquiète car son fils, parti quelques heures plus tôt avec un ami qui habite à côté, n’est pas encore rentré. Logiquement, elle va demander des nouvelles à sa voisine mais la discussion ne va durer très longtemps.
Un homme surgit alors de nulle part. Il s’approche des deux femmes, visiblement très alcoolisé. Fatima se recule, un peu interloquée par son comportement et lui demande s’il va bien. «Pourquoi tu me demandes si ça va ? Tu crois que j’ai bu ?» s’emporte le jeune homme qui va alors se déchaîner sur Fatima. Il l’a prend au cou et lui donne un premier coup de poing.
«Pourquoi tu me tapes comme ça ?»Fatima a à peine le temps de poser sa question que les coups redoublent. Un nouveau coup de poing la fait tomber par terre. Kassim passe alors aux coups de pieds.
Les deux femmes appellent à l’aide mais dans la rue personne ne réagit vraiment face à ce déchaînement de violence. Fatima parvient à s’enfuir chez elle et se barricade alors que Kassim cherche des pierres pour continuer à se défouler.
Les larmes coulent sur les joues de Fatima lorsqu’elle raconte le moment où ses enfants voient leur mère entrer en sang dans la maison. Hématome important à l’œil, nez cassé, mal au dos… «elle l’a supplié d’arrêter parce qu’elle pensait que sa dernière heure était venue», ajoute son avocate. «Fatima pourrait être la maman du prévenu. Je me demande qu’elle serait sa réaction si c’était de sa mère dont on parlait.»
La honte
Fatima semble encore désemparée : «Jusqu’à maintenant, je ne sais pas pourquoi il a fait ça. Je n’ai jamais eu de problème avec lui. Je n’ai jamais eu de problème avec personne…»
Kassim s’excuse à la barre mais il n’est jamais retourné voir sa victime. «J’avais trop honte», dit-il simplement. «Et oui, c’est dur d’assumer de s’en prendre à une femme qui est simplement dans la rue», fait remarquer le juge Soubeyran. Kassim a envoyé son père pour présenter ses excuses… à moins que ça ne soit pour que Fatima retire sa plainte.
Le jeune homme indique tout de même avoir fait des économies pour la dédommager. Il a mis 1.000 euros de côté… une somme qui sera, a priori, loin d’être suffisante.
Lourdes mises en garde du tribunal
Kassim, qui n’a jamais été condamné auparavant, écope de 6 mois de prison avec sursis et une mise à l’épreuve de 2 ans avec de lourdes mises en garde du tribunal quant aux obligations qui lui sont faites : se soigner de sa dépendance à l’alcool, ne plus entrer dans un débit de boisson et indemniser la victime. Une audience civile sera chargée de déterminer le montant des dommages et intérêts après expertise médicale mais il doit déjà verser 2.500 euros en attendant de connaître le montant définitif.
Kassim n’est plus le facteur de Fatima. La femme a déménagé un mois après les événements et aujourd’hui encore, elle avoue être tétanisée lorsqu’un homme l’approche de trop près.
RR
Le Journal de Mayotte
*Le prénom a été changé