Les 5 associations habilitées à intervenir dans les centres de rétention administrative (CRA) viennent de publier leur rapport. Quelques chiffres retiennent l’attention à quelques mois du débat sur la loi sur l’immigration.
«La France a enfermé et enferme toujours autant de personnes étrangères, y compris les plus vulnérables». Le constat est réalisé par le rapport annuel des cinq associations (Assfam, Forum-Réfugiés-Cosi, France Terre d’Asile, Cimade et Ordre de Malte) qui interviennent dans les centres de rétention administrative (CRA).
L’an dernier, plus de 45.000 personnes ont été enfermées en CRA soit un léger recul par rapport à l’année précédente où elles avaient été 47.000, notent les associations. Pour elles, c’est néanmoins une déception alors que le candidat Hollande avait estimé que la rétention devait devenir «l’exception». Elle reste «un instrument banal de procédure», déplorent-elles.
Guyane et Mayotte font exploser les chiffres
Pour autant, les chiffres présentés sont tout de même à manier prudemment car ils portent sur l’ensemble du territoire national, incluant donc la Guyane et Mayotte, deux départements d’Outre-mer qui ont tendance à faire exploser quelques données. Les statistiques globales sont ainsi porteuses de beaucoup de réalités et de situations différentes.
Si les éloignements forcés ont progressé de 15% en un an, passant de 38.652 à 44.458, seulement 47% d’entre eux (20.823) concernait la métropole. Le chiffre des reconduites était de 15.908 à Mayotte.
En Outre-mer, les associations dénoncent «l’absurdité» de ces reconduites : «Très souvent, cela vise à éloigner des voisins qui reviennent facilement», note le rapport, en donnant l’exemple d’un migrant passé 30 fois par le centre de rétention de Cayenne. Un exemple équivalent doit pouvoir se trouver facilement chez nous où le taux de retour dans la semaine des personnes expulsées est très élevé.
La situation des mineurs inquiète
Mais c’est la situation des mineurs qui inquiète particulièrement les associations qui relèvent leur «nette augmentation» en rétention. Ils étaient plus de 3.600 en 2013 (contre 2.674 l’année précédente).
En métropole, la statistique a fait l’effet d’une bombe pour deux raisons : d’une part, la jurisprudence européenne permettait d’imaginer que le nombre des jeunes étrangers placés en rétention en 2013 allait baisser. D’autre part, le candidat Hollande s’était engagé en février 2012, «à mettre fin dès le mois de mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants». La promesse est pourtant presque tenue… en métropole. Car, 3.512 enfants sur les 3.607 placés en rétention l’ont été à Mayotte.
Mais dans notre département, la circulaire Valls qui vise à limiter au maximum le placement de mineurs accompagnant leurs parents en rétention, ne s’applique pas. A noter que cette circulaire avait été rédigée après une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Faire valoir ses droits
Enfin, une autre donnée soulignée par les associations est la difficulté pour les sans-papiers à faire valoir leurs droits : 54% des personnes expulsées n’ont pas pu voir un juge en métropole… un droit qui n’existe quasiment pas en Outre-mer où les régimes juridiques dérogatoires sont la règle.
Là encore, le rapport s’appuie sur l’exemple de Mayotte. Chez nous, «seulement 93 des 16.000 personnes enfermées ont pu former un référé devant le tribunal administratif», soit 0,58% des personnes passées en rétention.
Outre le point annuel sur cette question, le rapport des 5 associations a également un autre but cette année. Pour ces 5 structures, il est le moyen de demander des évolutions du projet de loi immigration. Le texte doit être examiné au premier semestre 2015 au parlement.
RR
Le Journal de Mayotte