La responsable du centre national de référence sur la leptospirose était à Mayotte cette semaine. Pour la première fois, elle venait rencontrer les équipes du CHM avec lesquelles elle a découvert une bactérie mahoraise responsable de la maladie.
Ils travaillent ensemble depuis 7 ans et ne s’étaient jamais rencontrés. Cette semaine, pas d’emails ou de coups de téléphone. Pour la première fois, Pascale Bourhy, la responsable du centre de référence national de la leptospirose à l’Institut Pasteur de Paris et Louis Collet, biologiste au laboratoire du CHM, ont poursuivi leurs travaux côte à côte, à l’hôpital de Mamoudzou.
Jeudi soir, face à la communauté médicale, ils ont présenté leurs travaux qui ont permis d’identifier une souche spécifique à Mayotte de la «maladie des égoutiers», la leptospira mayottensis.
Pour ceux qui n’avaient jamais assisté à de telles réunions de travail, suivre la présentation de jeudi soir ressemblait à une plongée dans un épisode de Docteur House : présentation de cas cliniques, historique de la recherche et des études sur les traitements de la maladie… la séance avait de quoi combler les professionnels de santé face aux avancées présentées, tout en laissant les observateurs quelques peu démunis face au jargon médical.
L’investissement de passionnés
La Leptospirose est une maladie connue depuis l’antiquité mais il a fallu attendre 1916 pour que la bactérie à l’origine de la maladie soit révélée. «Ce sont de jolie bactéries en spirales, très fines, dont le développement est optimal à 30°, d’où la présence de la maladie dans les milieux tropicaux», explique Pascale Bourhy. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à plus d’un million le nombre de cas annuels à l’échelle planétaire avec un taux de mortalité compris entre 5% et 20%. A Mayotte, on déplore un mort par an en moyenne.
Aujourd’hui, les connaissances de la maladie sont encore loin d’être complètes et c’est toujours l’investissement personnel de quelques passionnés qui font bouger les choses. Ainsi, à Mayotte, c’est le travail acharné et constant de Louis Collet qui a permis de belles avancées. Très peu de cas étaient connus à Mayotte avant son arrivée dans le laboratoire du CHM il y a 7 ans. En plus de favoriser les diagnostics, le biologiste a entrepris de mettre en culture les prélèvements sanguins des cas positifs. Ce sont ainsi pas moins de 200 souches qui ont été isolées. Elles étaient toutes déjà connues, à l’exception d’un groupe qui n’était pas encore identifié.
C’est alors le travail de recherche moléculaire de Pascale Bourhy à l’Institut de pasteur de Paris qui a permis d’affirmer qu’il s’agissait bien d’une leptospirose typiquement mahoraise. Comme le JDM l’indiquait le 7 octobre dernier, la découverte a fait l’objet d’une publication scientifique internationale.
Plus de leptospirose que de paludisme
La découverte a déjà fait progresser les techniques de diagnostic. Pour les médecins, la maladie est en effet difficile à identifier car les premiers symptômes de n’ont rien de spécifiques : grippe, dengue ou paludisme partagent le même tableau clinique. Au laboratoire du CHM comme à l’institut pasteur de Paris, on a déjà affiné la recherche des bactéries dans les prélèvements effectués sur les patients potentiels et de nouveaux outils de diagnostic rapide, sous forme de bandelettes, vont même faire leur apparition. Fabriquées par pasteur à Madagascar, elles seront testées, entre autres, au CHM.
Cette semaine, à titre expérimental, elles ont permis d’identifier 2 cas à Mayotte. Ce sont désormais 97 cas qui ont été formellement reconnus depuis le début de l’année.
«A Mayotte, on a désormais plus de cas de leptospirose que de paludisme», relève Louis Collet.
Pic de la maladie en Avril
Traditionnellement dans notre département, le pic de la maladie est enregistré en avril, un mois après le maximum des pluies. Ce sont alors une cinquantaine de cas de leptospirose qui sont identifiés à Mayotte en un mois. La contamination se fait par contact d’une petite lésion de la peau avec des sols ou de l’eau souillés par de l’urine d’animaux (rats, chauves-souris, chiens) porteurs des leptospires. Chez l’homme, la bactérie s’attaque ensuite au foie, aux reins, aux poumons voire aux méninges. Dix cas graves ont été enregistrés depuis le début 2014 à Mayotte dont un qui a nécessité une hospitalisation en réanimation.
Après quelques jours à Mayotte, Pascale Bourhy est repartie à Paris, satisfaite d’avoir pu mettre des visages sur tous ceux avec lesquels elle collabore depuis tant d’années. «Il reste encore des choses importantes à trouver. Par exemple, quels sont les facteurs qui font que certains tombent malades et pas d’autres, et que certains patients vont développer des formes graves et pas d’autres», explique Louis Collet. Les échanges entre Mamoudzou et Paris promettent d’être encore passionnants.
RR
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