CARNET DE JUSTICE DU JDM. Le Journal de Mayotte vous a déjà raconté une partie des mésaventures judiciaires de Karim*. A 19 ans, le jeune homme est déjà à la tête d’un bien triste palmarès : 4 condamnations par le tribunal pour enfants dont la dernière à 6 mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve pour des faits de violences. Présenté au tribunal en comparution immédiate le 12 novembre dernier, il avait demandé un mois pour préparer sa défense. Il faut dire que les faits étaient particulièrement lourds.
Le dimanche 9 novembre, vers 21h20, les policiers de la BAC sont appelés pour une intervention au camion rouge pour une altercation entre une serveuse et un groupe de jeunes. A leur arrivée, les 4 individus en question détalent en direction de la pointe Mahabou et l’un d’eux est arrêté. Lors de la première audience, il était encore habillé en rouge des pieds à la tête, comme ses victimes l’ont décrit.
10 bières dans le gosier
Ce dimanche-là, les 4 jeunes hommes sont venus manger des sandwichs. Ils avaient déjà bien bu, whisky et bières achetés à la Somaco du centre. «Vous avez personnellement bu 10 bières ?» demande le président pour être certain d’avoir bien compris. Au camion rouge, le service est un peu long et au bout de 20 minutes d’attente, le groupe s’échauffe. Les jeunes commencent à envoyer des gravillons pour embêter les serveuses avant de décider d’entrer dans le camion.
Depuis quelques minutes, un homme descendu de la barge à bord de son deux-roues, observe la scène alors qu’il achète une bouteille d’eau. Il décide d’intervenir au moment où les jeunes commencent à bousculer la serveuse. Il sait quoi faire : c’est un policier récemment arrivé à Mayotte.
Il appelle ses collègues pour signaler le point de tension et coince son mobile dans le casque de son scooter toujours sur sa tête. Il s’approche du principal agresseur, le bouscule pour qu’il s’éloigne de la serveuse, une première fois puis une deuxième… avant de prendre une belle pierre de 4 kg sur le crâne. «Si je ne portais pas mon casque, les conséquences auraient été beaucoup plus lourdes», relève-t-il en posant le casque visière explosée sur le bureau face aux juges.
A l’audience, le policier ne porte plus la minerve dont il était encore affublé lors de la première audience, trois jours après le choc. Pourtant, il souffre encore des cervicales.
«Si j’avais su… »
«Pourquoi vous avez lancé la pierre ?» demande le président. «Pour qu’il lâche mon ami», répond le prévenu.
-Donc vous l’avez visé ?
-Non. Si je l’avais visé, la visière serait beaucoup plus cassée…
Le tribunal reste sans voix. «J’avais pas entendu qu’il était de la police. Sinon, je n’aurais pas lancé la pierre», conclut le jeune homme. «Vous savez qu’un homme est mort l’an dernier à Mayotte ? En recevant une pierre comme ça, on peut mourir», rappelle le président.
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) relie le jeune homme à trois autres identités et à d’autres faits, des vols en réunion, avec violence, avec arme. Entre autres méfaits, il faisait partie de l’affaire du coup de couteau mortel au lycée de Mamoudzou. Il était impliqué dans la première bagarre à l’origine du drame.
Il avait été condamné moins de 8 mois avant les faits pour d’autres violences. Il est donc en état de récidive légale.
Un traitement contre l’alcool
L’alcool semble avoir une responsabilité particulière dans toutes ses condamnations. «Quand je bois, l’alcool me donne beaucoup des idées», dit-il simplement. Il essaie pourtant de se faire conciliant. Il demande s’il n’y a pas un traitement qui pourrait l’empêcher de boire tous les week-ends. Il est même prêt à ce qu’on «lui mette un bracelet» électronique, «comme ça je reste chez moi et je commets aucun délit».
«Monsieur a deux visage», met en garde le procureur. «Il sait quoi dire et quoi faire face à la justice mais dans la rue, il fait ce qu’il veut, il impose sa loi.»
20 ans de prison. C’est ce que risquait le jeune homme : 10 ans pour les faits, doublés par l’état de récidive. Incarcéré en détention provisoire depuis le 11 novembre, il est reparti à Majicavo avec un an à purger. Il devra également verser 2.000 euros de dommages et intérêts au policier au casque solide . «N’attendez pas de sortir pour travailler à votre réinsertion, prévient le président après la sentence. Et le problème d’alcool, c’est maintenant qu’il faut s’en occuper, pas dans un an !»
RR
remi@lejournaldemayotte.com
*Le prénom a été changé