Lors du black out hier au soir, Électricité de Mayotte avait pour la première fois invité des médias pour assister à une gestion de crise. Elle aura duré trois heures, trois heures aux étapes bien rodées.
Arriver en vue du siège EDM par temps de black out c’est un peu trouver un phare dans la tempête : un des rares lieux éclairés de l’île avec les hôpitaux. En l’absence de son chargé de communication absent du territoire, il était compliqué pour les journalistes d’envisager téléphoner à l’homme le plus sollicité dans ce genre de situation, le directeur d’Electricité de Mayotte. Yacine Chouabia a tranché le problème en conviant des journalistes à vivre une gestion de black out au siège de Kawéni.
Il faut tout d’abord dire qu’on s’attend à une fourmilière, à des gens qui courent partout, à des mines affolées. C’est l’exact contraire. En fait, chacun joue sa partition. Dans la salle qui accueille la troisième cellule de crise pour black out de l’année, les cadres scrutent leur ordinateurs tout en étant pendus au téléphone avec les équipes de techniciens qui s’affairent dans les deux centrales des Badamiers, la plus ancienne, et de Longoni.
C’est un transformateur de la ligne de haute tension, mise en service il y a quelques mois, qui a lâché. « Le constructeur du Poste et le fournisseur du transformateur cherchent actuellement la cause », nous informe Yacine Chouabia, « et les techniciens tentent de relancer les moteurs des Centrales ».
Mayotte, une voiture à quatre roues
Comment un incident sur un transformateur peut-il plonger l’île dans le noir ? Et pourquoi les moteurs sont-ils impactés?
Entre deux appels, Yacine Chouabia joue au Jamie de « C’est pas sorcier » : « l’arrêt d’un transformateur empêche l’approvisionnement de plusieurs consommateurs. Or, en électricité, la production doit être égale à la consommation. La production a chuté, entrainant l’arrêt des moteurs ».
Un fait quasiment impossible en métropole, la preuve par l’automobile : « sur une voiture à quatre roues un pneu crevé n’aura pas la même incidence que sur une voiture à cent roues. » Ou électriquement parlant, « ce qui c’est passé à Mayotte ce soir, c’est comme si on avait perdu 25 millions de clients en métropole ». De plus, il existe dans l’Hexagone d’autres moyens de production qui encaisse le surplus.
Il est 20h23. Pendant ces explications, les tentatives de coupler les moteurs au réseau essuient plusieurs échecs et les trois postes réalimentés sur Petite Terre sont de nouveau coupés, les maisons sont de nouveau dans le noir. Si le calme règne, la tension est palpable, « lors de la relance, le moindre câble défectueux peut provoquer un court circuit et stopper tout notre travail ».
« Ça tient en Petite Terre ! »
Le téléphone central se met à vibrer : c’est le PC crise de la préfecture, que les atermoiements sur Petite Terre ont incité à venir aux nouvelles. Un collaborateur d’EDM y est dépêché par barge interposée.
A 21 heures, un cadre fait de grand moulinet de bras derrière la vitre : une première « poche » est fermée sur Petite Terre, c’est à dire qu’une partie de Pamandzi est réapprovisionnée, mais surtout, le courant va être envoyé par les câbles sous marins entre Grande et Petite Terre pour aider Longoni à se relancer, « elle sera plus autonome lorsque nous aurons terminé l’extension de Longoni 2 », glisse un directeur rassuré par cette réussite.
« Ça tient en Petite Terre ! », s’exclame l’un, des techniciens continuent à arriver au siège d’EDM à Kawéni, les ordinateurs, répétiteurs de ceux qui sont implantés dans la première salles sont installés, Idachi est au commande, tout le monde peut suivre la fermeture progressive des plus de 300 postes de l’île (le courant ne passe que par un circuit fermé).
Un réseau téléphonique encombré
A 21h10, les lumières s’éteignent puis se rallument dans la salle : « c’est la bascule vers l’alimentation du secteur, nous réalimentons en priorité le siège EDM, les transformateurs n’assurant que le dépannage ». Seulement 3% de la clientèle a de nouveau l’électricité. « En raison d’un grand nombre d’appels, votre appel ne peut aboutir », le contact avec la préfecture est problématique, il faut passer par les portables.
Peu à peu l’île retrouve des couleurs, par la Petite Terre, puis le nord de Grande Terre, Mamoudzou, l’est de l’île, puis l’ouest, la moitié des clients de l’île est alimentée à 21h40 et EDM annonce une réalimentation générale vers 22h20, « soit environ 3 heures après l’incident ».
C’est la fin d’une soirée commencée aux chandelles, et c’est le début des analyses sur le transformateur malade par les équipes de Wärtsilä et d’EDM. Une conférence téléphonique était en cours ce jeudi matin avec les équipes de la métropole.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte