Ressentiment anti-chinois, conflit salarial qui a mal tourné ou complot politique ? La tension reste palpable près des ruines de la sucrerie de Morondava, à Madagascar, après des pillages, des heurts avec la gendarmerie et des règlements de comptes qui ont fait six morts. « On ne veut pas des Chinois, on ne veut pas travailler avec les Chinois », lance Léon Clément, un délégué du personnel.
« Devant le ministre ils promettent de nous donner plus de droits, mais ils ne l’ont jamais fait ! » Las de gagner une trentaine d’euros par mois, des employés de l’usine Sucoma ont évoqué privilèges, passe-droits, vexations et pressions exercées sur les petits ouvriers pour expliquer leur flambée de colère.
Dans cette entreprise publique confiée à des Chinois pour échapper à la faillite en 1997, le personnel de la sucrerie réclamait depuis des mois des augmentations de salaire et des contrats en bonne et due forme pour les saisonniers. « On ne veut plus travailler avec les Chinois », renchérit Bernard Jérôme, un employé de la Sucoma. « On demande à l’Etat de trouver d autres partenaires. Si les gérants changent, on est prêt à reprendre le travail immédiatement. Tout sauf les Chinois ! »
La vingtaine de cadres chinois ont été évacués à Antananarivo. Sur place, leurs logements ont été saccagés et pillés, le mobilier a disparu, les portes ont été démontées. Les affrontements entre gendarmes et membres du personnel ont fait deux morts et neuf blessés le mercredi 10 décembre.
Les employés protestaient contre l’arrestation de deux de leurs leaders, après des heurts qui avaient déjà fait en novembre deux blessés parmi les Chinois, ainsi que des dégâts matériels. Dans les jours qui ont suivi les violences de mercredi, un gardien et un militaire ont été tués à l’arme blanche dans la sucrerie, et deux gendarmes à moto renversés par un camion pendant une intervention, portant le bilan à six morts selon les autorités régionales.
Les forces de l’ordre montent désormais la garde devant les hangars de la sucrerie dévastée. La Sucoma employait -2 000 personnes – 700 en basse saison – qui étaient en conflit depuis plusieurs mois avec la direction chinoise. Jusqu’à ce que la situation tourne à l’émeute.
L’ambassade de Chine à Antananarivo s’en est émue, estimant que les revendications des employés ont subitement pris un tour « irrationnel ». Mais le porte-parole de la direction, Zhou Jianping, préfère tempérer le caractère anti-chinois de l’émeute.
L’usine offre à présent un spectacle de désolation. Le sucre a disparu, et les dégâts sont impressionnants : 4×4 entièrement désossés, débris de verre et documents partout par terre. Dans l’un des hangars, les machines sont sens dessus dessous, les vitres brisées, et dans un bureau, des papiers ont été réduits en cendres. Les camions qui transportent d’ordinaire les employés sont immobilisés devant la gendarmerie, les pneus crevés.
Le JDM avec le JIR