CARNET DE JUSTICE DU JDM. Les tensions sont palpables ces derniers jours à Kawéni. Des jets de cocktails Molotov ont été constatés par les forces de l’ordre dimanche dernier (14 décembre) puis mercredi aux abords du supermarché SNIE et de la station Total. C’est dans ce contexte qu’un jeune homme était jugé en comparution immédiate, ce vendredi, pour avoir participé au caillassage d’un véhicule de police.
Les faits se sont déroulés il y a 8 jours, le samedi 13 décembre. Quatre policiers de la BAC circulent sur la route nationale à Kawéni lorsqu’ils aperçoivent des mouvements aux abords de la SNIE. Les automobilistes sont obligés de s’arrêter, un groupe d’une vingtaine de jeunes traverse la route. «Les individus tenaient des bouteilles en verre à la main», explique le premier des policiers à la barre. Les 4 fonctionnaires sont venus apporter leur témoignage.
Immédiatement, les quatre hommes doublent les voitures devant eux et vont aux devants du groupe de jeunes. Ils s’arrêtent descendent du véhicule et se retrouvent alors face à une vingtaine de gamins, pas mal énervés sans raison particulière hormis l’alcool que certains ont manifestement consommé.
Le jeune homme à la barre ce vendredi, sort du groupe et vient faire face aux policiers. «Vous n’en avez pas eu assez ce matin ?» demande-t-il alors que plus tôt dans la journée, un véhicule de police a déjà essuyé des jets de pierres.
Repli stratégique avant caillassage
«On était 4, ils étaient 20, on a effectué un repli stratégique», explique un autre policier. Les fonctionnaires marchent en arrière en restant face au groupe pour remonter dans leur voiture. Le chauffeur est le premier à s’assoir dans le véhicule lorsque le jeune homme attrape un bon galet à ses pieds et le jette en direction des policiers. Il vient s’écraser sur le parebrise. Les autres membres du groupe suivent l’exemple et font pleuvoir, à leur tour, des cailloux sur le véhicule.
Le chauffeur, recouvert de bris de verre prend une de ses armes et réplique avec du gaz lacrymogène.
A final, trois jeunes sont interpelés, deux mineurs et donc le jeune adulte qui comparait ce vendredi.
«Il est clair que les faits sont graves, estime le président, parce que c’est un jet de pierre sur un véhicule, encore plus parce que c’est un véhicule de police et encore plus parce que derrière le parebrise, il y avait un homme.»
Le prévenu conteste les faits et il affirme même pouvoir le prouver : il a filmé les événements. Le tribunal est disposé à voir sa vidéo mais il ne la retrouve finalement pas sur son téléphone portable.
La loi, dernière richesse de notre nation
Le jeune homme est arrivé à Mayotte quand il était tout petit avec sa mère. Il a déjà eu quelques problèmes avec la police et la justice dont une condamnation en août dernier pour usage de stupéfiants et violences. Il a écopé de 4 mois de prison avec sursis et 140 heures de travail d’intérêt général qu’il n’a pas encore effectuées.
«Il n’a jamais été incarcéré. Mais maintenant, c’est en prison qu’il faut qu’il aille pour comprendre la loi», estime le Procureur Alik. Et alors que le prévenu lui coupe une nouvelle fois la parole, le procureur s’énerve. «Voilà comment il est ce jeune homme. Il veut parler, il parle. Dans la rue, c’est pareil. C’est lui qui fait la loi. S’il n’a pas compris que la loi est la dernière richesse de notre nation, et que les policiers sont la force de la loi, il faut lui faire comprendre !»
Alors que le jeune homme encourt 14 ans de prison, le procureur réclame deux ans dont une année ferme.
Sans repères
«C’est un jeune qui n’a pas de repères, plaide Me Idriss, son avocat. Il a grandi dans la rue avec des gens qui n’ont jamais eu de respect pour ceux qui portent l’uniforme. Il vient d’avoir 20 ans. Est-ce en prison qu’il va trouver ses repères ? Je ne le crois pas.» Et l’avocat de demander la mise ne œuvre d’un autre dispositif dans lequel le prévenu serait encadré.
Finalement, le tribunal l’a donc condamné à 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. A l’énoncé du verdict, le jeune continue de clamer son innocence et d’accuser les forces de l’ordre venus témoigner de mensonge.
Dans la salle, sa mère, triste et en colère, promet de mauvais sorts aux policiers.
Les fonctionnaires présents dans la salle d’audience s’avancent vers le condamné, lui mettent les menottes aux poignets et l’emmènent vers Majicavo.
RR
Le Journal de Mayotte