L’établissement souvent montré en exemple organisait cette semaine un stage intensif pour lutter contre la «détresse linguistique» de certains de ses élèves. L’objectif est de faire un diagnostic et de les faire progresser dans leur maîtrise du Français grâce à des enseignants impliqués.
Combien d’élèves sont-ils totalement largués dans les collèges de Mayotte, incapables de comprendre la langue française? S’il est impossible de répondre à cette question, il est évident que de très nombreux élèves poursuivent une scolarité jusqu’à la fin du collège alors qu’ils ne maîtrisent pas les savoirs de base en Français. Et dans ces conditions, comment acquérir la moindre connaissance dans toutes les autres matières?
«Il fallait intervenir car des élèves qui ne comprennent rien pendant les cours sont évidemment en grand échec personnel et ils ont tendance à perturber le fonctionnement complet de la classe», explique Jean Alemany, le principal du collège de Doujani, qui considère ces enfants en état de «détresse linguistique».
Allophone, qui ne comprend pas le Français
Le collège a mis en place un double dispositif destiné à répondre à cette urgence, en plus des cours spéciaux de langue déjà organisés pour les élèves de 6e. Il s’adresse aux EANA de la 5e à la 3e, l’acronyme signifiant Elèves allophones nouvellement arrivés. Pour ces jeunes allophones, la langue officielle, le Français, n’est pas leur langue maternelle et ils ne la connaissent pas du tout. La démarche s’adresse donc principalement à des élèves récemment arrivés des Comores où ils n’ont pas ou peu été scolarisés en Français.
A Mayotte, cinq collèges ont déployé ce dispositif EANA dont Doujani. «L’an dernier, on n’a pas été bons, relève Jean Alemany, le principal du collège. On les a accueillis mais sans trop savoir comment faire. Cette année, le système qu’on a mis en place devrait fonctionner beaucoup mieux.»
Les élèves passent à présent par plusieurs phases qui commencent par un repérage des plus en difficulté par les professeurs.
Diagnostic sur les compétences
«Durant l’année, on sort ces élèves des classes normales pendant 6 heures chaque semaine pendant 6 semaines pour qu’ils aillent en Français langue étrangère (FLE). On voit ensuite s’il faut continuer.» Mais l’établissement est allé plus loin en mettant en place des sessions intensives pendant les vacances. Ce sont ainsi 53 élèves qui sont ciblés par le dispositif.
En décembre, durant les premiers jours des vacances, ils ont individuellement passé un moment avec un professeur pour effectuer des tests poussés de compétence linguistique, comprendre et s’exprimer aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Les profs savent ainsi précisément où se situent leurs lacunes en Français. Après ce diagnostic, ils intègrent ces fameux stages comme durant cette première semaine de janvier. «Ça permet de voir des évolutions assez fines sur leurs compétences orales et écrites».
Une fois une certaine remise à niveau acquise, les enfants peuvent réintégrer d’autres dispositifs et bien entendu dans les classes traditionnelles.
Des formations aussi pour les profs
C’est un pool de 4 professeurs volontaires qui fait vivre ce dispositif qui disposent de compétence en Français langue étrangère (FLE) et ils ne s’occupent pas que des élèves. Car cette détresse linguistique a aussi, évidemment, un impact sur les professeurs qui sont bien démunis face à des enfants qui ne parlent pas le Français. «Les 4 enseignants ont été intégrés dans un groupe de formateur FLE. A l’intérieur du collège, ils assurent maintenant de la formation à leurs collègues, au minimum deux fois deux heures. Et comme c’est une ressource interne, les échanges ne se limitent pas aux cours. Dans les couloirs, dans la salle des profs… ils continuent à dialoguer sur la question à l’issue de la formation officielle.»
Au final, tout le monde semble trouver un intérêt dans le dispositif, évidemment les élèves mais également les professeurs valorisés en tant que formateurs ou épaulés en tant qu’enseignants et le collège qui gagne en attractivité. «C’est une grande fierté pour tout l’établissement», affirme Jean Alemany.
RR
Le Journal de Mayotte