Dis moi qui est Charlie, je te dirai qui tu es

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Pas évident de s’identifier à Charlie en terre musulmane. Si le combat contre l’intolérance avait rassemblé à Mamoudzou, peu de croyants, chrétiens ou musulmans, étaient présents. Parallèlement, une action est envisagée pour bouter le radicalisme hors de l’île.

Une minute de silence
Une minute de silence

Beau rassemblement ce matin, 11 heures, place de la République à Mamoudzou. Beau, non pas gros. 600 personnes selon l’organisateur qu’est Roger Combarel, également secrétaire de CGT Educ’action, avaient répondu à ce rassemblement, lancé la veille, ralliant en métropole comme en outre-mer le mot d’ordre d’hostilité aux actes d’intolérances et de combat pour les valeurs démocratiques.

Si la spontanéité avait prévalu pour les rassemblements au lendemain des attentats, la réflexion a depuis fait son chemin. La grande majorité des participants au rassemblement était métropolitaine, bien peu de natifs de l’île s’étaient déplacés : « bien que je condamne fermement ces attentats, je ne suis pas Charlie », explique un de nos lecteurs.

Roger Combarel au centre du cercle d'hommages
Roger Combarel au centre du cercle d’hommages

Et malgré le cercle parfait formé par les manifestants pour un hommage, le dialogue s’installe entre athées, musulmans, catholiques. El Mamouni Mohamed Nassur, porte parole du Grand Cadi, arbore une pancarte « Je suis Charlie », mais nuance : « je défends la liberté démocratique, mais celle-ci doit comprendre et respecter la vérité et la liberté de l’autre, sa liberté de vivre sa religion. Franchir les limites de la représentativité du prophète*, c’est atteindre la liberté de l’autre ».

Une explication auprès des élèves

Voir au delà de la caricature
Voir au delà de la caricature…

D’autres appellent à regarder au delà de la caricature et du blasphème, que ce soit contre Allah ou le Christ, s’élever, « ça permet de garder sa vérité et de rire malgré tout de tout ! ».

Une réflexion poussée est à mener, « notamment avec les scolaires », réclament les syndicats enseignants. La CGT Educ’action a notamment interpellé la vice-recteur de Mayotte pour qu’une explication ait lieu auprès des élèves « sur cet événement qui touche aux fondamentaux de notre démocratie, aux principes de liberté d’opinion et d’expression quel qu’en soient leurs formes ».

Une explication d’autant plus nécessaire que la grande majorité des élèves sont de religion musulmane, ce qui pourrait être une chance alors que le porte parole du Grand Cadi appelle à la formation des jeunes et moins jeunes pour lutter contre la radicalisation qui s’est déjà révélée sur l’île.

Des prêches pour jeunes désœuvrés

Les cadis de Mayotte représentés
Les cadis de Mayotte représentés

La mosquée de Mtsapéré a en effet été, il y a peu, le lieu de prêche radicaux : « nous avons éloigné les responsables qui venaient des îles voisines », c’est à dire d’Union des Comores. « Le mahorais responsable de la mosquée s’est excusé, mais nous devons être vigilants », d’autant plus qu’un événement semblable s’est déroulé à Moinatrindri.

El Mamouni Mohamed Nassur n’y va pas par quatre chemin : « ces prêches racontent de fausses histoires sur le prophète et s’adressent à des jeunes désœuvrés ou des gens vivant dans la pauvreté matérielle ou spirituelle. Il faut donc remplir ces espaces, former les imams et les jeunes. Nous préparons un référentiel que nous allons proposer à l’Education nationale ». Ce serait une première pour une école laïque ! Mais Mayotte peut intelligemment innover dans beaucoup de domaines.

Après une minute de silence où étaient brandies les pancartes « Je suis Charlie », un cortège se formait autour du marché de Mamoudzou, avant de se disperser.

Un hommage qui pourrait inciter plus d’un à reprendre le flambeau, pardon le crayon, pour que perdurent ces caricatures qui dérangent mais dont la liberté a tellement besoin.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

* En référence aux caricatures de Mahomet

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