La première journée de la ministre avait été consacrée à la présentation de la réalité judiciaire à Mayotte et à ses déficiences. Des doléances écoutées et entendues par la ministre selon Marie-Laure Piazza, la présidente du Tribunal de Grande Instance, et Joël Garrigue, procureur de la République, qui dévoilent le projet immobilier.
Avec un Tribunal qui est devenu de Grande Instance et les moyens qui ont suivi, beaucoup de chemin a été fait depuis la départementalisation de Mayotte. Mais depuis, des postes sont vacants et les délais de traitements des dossiers s’allongent.
C’est le cas du Service de Nationalité, présenté comme « sous-dimensionné » par la présidente du Tribunal puisque 6 à 12 mois de délai sont nécessaires pour donner un avis. « La ministre a décidé d’allouer un greffier supplémentaire à ce service et propose un diagnostic pour évaluer le personnel nécessaire à la résorption du stock ».
Quant aux actes d’Etat civil, indispensables aux inscriptions scolaires ou à l’ouverture de comptes bancaires, leur rédaction très souvent entachée d’erreurs pose le problème de la compétence et donc de la formation des officiers d’Etat civil en mairie : « 3.800 décisions sont en attente, une prise de conscience des maires devient urgente. » Pour gagner en efficacité, ils ont obtenu de Christiane Taubira l’autorisation d’alléger la formation judiciaire qui en a la charge.
Mayotte pilote sur le statut des interprètes
Le déficit en ressources humaines commence à poser de réels problèmes puisque deux postes sont vacants au parquet, un au siège, deux à la direction du Greffe et les deux greffiers en poste vont partir à la retraite… Pour attirer les candidats, une réflexion est en cours sur les indemnités proposées « et nous avons demander de disposer de logements pour accueillir les nouveaux venus ».
Au Registre du Commerce aussi deux postes de catégorie A sont encore à pourvoir. Les bureaux ont été inaugurés par la ministre, pour un début d’activité en novembre avec l’arrivée d’une greffière en chef, qui aura pour mission de structurer le service et d’entrer toutes les données concernant les entreprises dans le nouveau logiciel. Prés de 2.500 demandes de création sont en attente »… Le service sera supervisé par un magistrat.
Dans un département où leur action est quotidienne auprès des justiciables, les interprètes n’ont pas été oubliés et la question de leur contractualisation a été abordée, eux qui travaillent à la mission. Mais se pose un problème, l’interprétariat étant une expertise indépendante. « La ministre est d’accord pour que Mamoudzou soit pilote sur un système hybride qui est en cours de réflexion ».
Quant à la prise en charge des mineurs délinquants qui représentent 35% des mis en cause, les professionnels de la Protection Judiciaire de la jeunesse sont passés de 9 à 42 en 5 ans à Mayotte, « et 1.000 conseillers d’insertion et de probation sont recrutés sur l’ensemble du pays ». Un poste sur les deux vacants sera pourvu au parquet, a annoncé la ministre.
Extension du tribunal : un choix pragmatique
Outre les ressources humaines, le point le plus important est sans doute la position isolée de Mayotte qui n’est pas connectée au système informatique national CASSIOPEE* et dont le tribunal n’est pas connecté au haut débit : « en tapant un nom, on connaît le parcours judiciaire d’une personne, et il est difficile de passer à côté d’un délinquant sexuel par exemple »… Joël Garrigue prend également l’exemple d’un prévenu dont l’affaire a été classée sans suite, « une fois son dossier modifié, il peut chercher un emploi sans problème ».
Quant au projet immobilier d’extension derrière le bâtiment existant à Kawéni, il n’y a pas lieu de débattre entre cette option où le TGI est locataire et une seconde qui consisterait à construire sur des terrains dont il est propriétaire : « au niveau national, quatre projets immobiliers ont été abandonnés par l’Etat par manque de moyens. Nous avons pris conscience que pour améliorer les conditions de travail et d’accueil du public, il fallait partir de l’existant et l’améliorer. »
Les services quitteraient donc le premier bâtiment, « à défaut d’avoir dans dix ans une vraie cité judiciaire, nous aurons rapidement des bâtiments décents avec une deuxième salle d’audience et de vrais box pour les Assises, le tout dans un ensemble qui ne s’appellera plus ‘immeuble BRED’, donnant une meilleure image de la Justice ! », remarque Joël Garrigue.
L’État vient de signer la promesse de bail et les appels d’offre sont terminés, « les travaux vont commencer pour un achèvement 18 mois après environ ».
Présidente et procureur sont d’accord pour souligner l’attention portée par Christiane Taubira aux dossiers, « une ministre réceptive qui par son déplacement a pris conscience des problématiques de Mayotte, c’est mieux que tous les rapports ! »
Anne Perzo-Lafond
La Journal de Mayotte
*Chaîne Applicative Supportant le Système d’Information Opérationnel pour le Pénal et les Enfants